DN-MADe MENTION GRAPHISME
Design éditorial supports multiples
Lycée Argouges, Grenoble
Note de Synthèse DN-MADe
Année 2023-2024
L’interstice
Comment le design graphique peut-il mener à une réinterprétation des interstices urbains ?
Aurore Bouchet
Sommaire
1.a. Conception en tout et en partie
1.a.2. Les limites et les marges
1.b.1. La conception occidentale du vide
1.b.2. La conception orientale du vide
2. La potentialité de l’interstice
2.a.1. Un espace qui existe par lui-même.
2.b.2. La liberté d’expression
2.c. Un espace-temps de changement
2.c.2. L’espace interstitiel dans la narration
3.b. Ré-envisager le quotidien
3.b.1. Des territoire précieux
3.b.2. Changer son regard sur l’espace
Passionnée par les récits de voyages et d’aventure, c’est presque sans surprise que l’interstice a saisi mon intérêt. Monde fantastique et fantasmé, réalité lointaine et ignorée, ces histoires me font rêver. Elles nourrissent les univers des récits que j’écris et que je dessine. L’interstice est un territoire à découvrir à portée de main. Qu’est-ce que l’interstice ? Hiatus, fracture, faille, manque, intervalle. Il n’est pas, mais cela ne veut pas dire qu’il n’est rien. L’interstice est pour moi un territoire d’inconnu et d’incertitude, empli de possible, que ma curiosité me pousse à explorer.
Une zone blanche sur la carte, une page vierge dans un livre, l’interstice désigne ce qui n’est pas, au milieu de ce qui est. Vide potentiel et espace d’incertitude, il dérange, intrigue, fascine ou terrifie. Son existence emplie de possible en fait un espace de fantasme et de liberté à conquérir.
A la recherche de l’identité et de la place de l’interstice dans notre quotidien, cette note de synthèse explore les notions de tout et de partie, les formes des limites, la conception du vide et du non lieu. Elle vient interroger la potentialité de ce territoire incertain, source d’émancipation et de changement. Ouvert et potentiel il apparaît ainsi comme un espace rare et convoité, à la fois vide et empli de fantasme. C’est un territoire éphémère à la valeur bien cachée qui questionne notre société par sa place et sa force.
L’étude de l’espace interstitiel porte ainsi à changer notre regard sur notre quotidien, à interroger l’espace et notre place dans celui-ci. Comment le design graphique peut-il mener à une réinterprétation des interstices citadins ?
L’interstice est souvent défini comme un petit espace vide entre les parties d’un tout1 mais qu’est-ce que le tout ? Peut-il exister du vide entre les parties d’un tout ?
La conception en tout et en partie est une idée développée depuis l’antiquité. Selon cette conception, le tout se compose de ses parties, il en est le résultat. Cette idée s’oppose à celle de la conception mythique où le tout et la partie sont placés au même niveau, le tout n’a pas de parties, la partie est immédiatement le tout.2
Dans cette conception en tout et en partie, l’interstice peut-être considéré comme une partie hors du tout qui le délimite. Cette fracture, ce petit entre-deux sera partie intégrante d’un tout plus grand.
L’interstice à la propriété d’être intégré au tout même s’il en est exclu. Ainsi, si l’interstice se situe en marge, il n’est pas hors du tout et de sa limite3. Il le confronte, le prolonge, le complète, pourrait y être intégré, mais continue d’entretenir un statu quo. Cet espace est différencié par une limite qui le place à part. Il est marginal, car en dehors. Comme toute limite d’espace, cette frontière peut être perçue différemment.
Elle peut être nette et démarquée, comme le sont les pièces des maisons de l’installation Hub de Do Ho Suh. (Fig. 1). Dans cette œuvre, le changement de couleur des murs indique clairement que l’on pénètre dans un nouvel espace. Cette limite est plus souvent floue et implicite, tels les dégradés de lumière dans l’installation Pink and orange light de James Turell (Fig. 2), l’on se rend compte que l’on a changé d’espace après avoir franchi la limite et sans savoir réellement où celle-ci se situe.
La limite, enfin, peut-être discutée. « (...) J’ai essayé de poser le pied en Jordanie en passant au-dessus des fils de barbelés. J’ai été empêché par des gens qui m’accompagnaient (...). De toute façon, ce n’est pas la Jordanie que j’aurais touchée, mais du rien, du no man’s land ». Dans le chapitre frontière d’Espèce d’espace, George Perec discute du sens de la limite qui sépare radicalement deux espaces. La frontière coupe-t-elle l’espace, ou est-elle la représentation d’une fragmentation de l’espace ? Un questionnement qui rejoint celui de la performance d’Alÿs Francis. (Fig. 3) Muni d’un pot de peinture, l’artiste trace la ligne verte qui tranchait autrefois la ville de Jérusalem du nord au sud. Une frontière gommée des cartes, mais pas encore de l’Histoire.
L’interstice est une lacune dans le tout, c’est un trou, un manque dans l’existant. C’est un espace potentiel, vide, à investir. Cette lacune peut être envisagée de différentes manières.
Dès l’Antiquité, les philosophes grecs se sont interrogés sur le vide. Pour Parménide, Platon ou Aristote le vide absolu est un non-être, un néant, quelque chose d’impensable, car même en idée il n’existe pas. « On ne peut connaître ce qui n’est pas, car ce qui peut être pensé et ce qui peut exister sont une seule et même chose.4 » « Le vide est donc dès l’origine de la philosophie mis en ballottage existentiel, il a un pied dans la réalité et l’autre pied ailleurs, mais on ne nous dit pas où...5 ».
Cette idée du vide radical s’accompagne d’une autre conception, celle du vide comme manque en opposition au volume. Dans les deux cas, le vide n’est qu’un négatif de ce qui est. Un espace qui doit être comblé « La nature a horreur du vide 6 ». L’art de l’antiquité à la Renaissance traduit bien ce mode de pensée, les peintures sont chargées d’éléments, les représentations religieuses en particulier ne laissent aucun espace vide ou blanc, car Dieu ne crée pas le vide.7
En Orient, la vision du vide est différente, il n’est pas associé à l’idée de non-être. Selon K. Nishida « toute la philosophie européenne, de Parménide à Hegel, n’a pensé que l’être. Elle ne connaît pas le néant véritable, le néant bouddhiste qui en tant que vide absolu est aussi ce qu’il y a de plus plein et positif.8 ». Le néant oriental est accessible comme un ressenti et une intuition. « Le vide dans lequel rien n’advient est en même temps la source de tout événement et aussi le fondement de la plus forte tension de toutes les forces.9 »
La présence du vide oriental se trouve dans sa nature potentielle, comme une toile blanche d’où sortent les idées, le vide est plein, car il peut être rempli et réalisé. Ainsi si en Occident le vide n’a pas de valeur, en Orient il est rempli de possibilités. C’est cette vision que tente de faire expérimenter Yves Klein en 1958 dans son exposition Spécialisation de la sensibilité à l’état matière première en sensibilité picturale stabilisée (Fig. 4) qui ne présente qu’une galerie d’art, vide et peinte en blanc.
Aujourd’hui, l’art conceptuel questionne nos rapports à l’espace et au vide. Rachel Whiteread propose un nouveau regard sur le réel avec l’empreinte de l’inexistant. House (Fig. 5), une sculpture monumentale de l’espace intérieur d’une maison vide, transforme notre perspective du monde. Ces moulages donnent à voir des négatifs, l’inexistant, alors que ce qui était a disparu.
L’interstice est un espace insaisissable, dont l’existence dépend plus de son inexistence. C’est un paradoxe. En effet, l’on peut observer la vacuité de cet espace, celle-ci invite à être exploité, mais dès qu’on l’investit, sa nature interstitielle disparaît. Les terrains vagues ou délaissés représentent par exemple dans les villes des réserves d’espace disponible d’une grande richesse pour des plans de réaménagements urbains. Ces espaces perdent leur potentiel en obtenant une identité et une utilité.
L’interstice est une variable dont l’existence ne dépend pas de l’homme, qui ne peut qu’être détruit. Essayer de conserver cet espace serait définir son existence et sa raison d’être, ce qui lui ôterait sa nature indéfinie. Luc Lévesque décrit le terrain vague comme « Un espace fuyant qu’on en peut tenter de conserver en le fixant ».
C’est un territoire d’incertitude, opposé à une vision de contrôle et de rationalisation de l’espace, qui n’est toléré que parce qu’il est provisoire. Ce manque d’identité lui octroie cependant une potentialité et une liberté singulière.
L’interstice est toujours un lieu mystérieux, il faut partir à sa rencontre pour le comprendre.
Il a la particularité d’exister par lui-même, il n’est pas créé, il est un résultat. Le résultat d’un abandon, d’un oubli, d’une exclusion, d’une division qui n’ont jamais eu pour but d’aboutir à son existence. Il peut s’agir de friches ou de terrains délaissés10, d’espaces d’expression imprévus (tables, poteaux, murs...), d’espace-temps en rupture (l’ennui, les pauses11...), de non-lieux12...
Son existence n’est pas choisie, elle est apparue sans avoir été planifiée. Ainsi nous ne lui avons pas encore attribué d’identité. Il est là, il attend. Libre, il échappe à tout contrôle. Comme le souligne Pascal Nicolas-le-Strat, cet espace non planifié interroge « Du fait de leur statut provisoire et incertain, les interstices laissent deviner ou entrevoir un autre processus de fabrication de la ville, ouvert et collaboratif, réactif et transversal, ils nous rappellent que la société ne coïncide jamais parfaitement avec elle-même et que son développement laisse en arrière-plan nombre d’hypothèses non encore investies. L’interstice se constitue donc à un niveau politique : il tente de faire rupture avec l’ordonnance classique de la ville.13 »
L’interstice est souvent qualifiable de non-lieux, des espaces qui selon l’anthropologue Marc Augé s’opposent aux lieux anthropologiques. « On peut lire dans l’espace (anthropologique) l’organisation sociale, le passé commun et les symboles partagés. » L’interstice est ainsi dépourvu d’identité à l’échelle du monde humain dont il fait partie.
Cette incertitude sur sa nature peut provoquer de la peur, du rejet, de la curiosité, voire de la fascination. Des émotions qu’exploitent de nombreuses œuvres de fiction. Dans le cinéma, tout d’abord, on peut voir dans la nature interstitielle des monstres, un ressort important pour susciter l’effroi, la curiosité et la fascination14. Ces monstres sont des êtres inconnus et impossible à connaitre, car surnaturels. Ils transgressent les catégories actuelles de pensées.
L’espace interstitiel d’une manière plus générale est source de mystère. Dans La Maison des Feuilles de Marc Z. Danielewski, les personnages sont confrontés à l’apparition d’espaces inconnus au sein de leur demeure. Des changements qui instaurent à la fois un malaise poussant la mère et ses enfants à partir, mais suscitent une telle fascination chez le père qu’il sera prêt à risquer sa vie pour découvrir l’étendue et la nature de ces espaces. L’auteur se joue des espaces que l’on croit connaître, de l’espace familier de la maison qui dans le récit prend la forme d’un labyrinthe, mais aussi de celui du livre, en déstabilisant le lecteur par une mise en page hors norme. (Fig. 6) Comme le souligne George Perec dans Espèce d’Espace, il n’y a normalement jamais chez soi de pièce ou d’espace qui soient indéfinis.
Dans la réalité, les espaces interstitiels sont tout aussi fascinants. À part, ils semblent protégés des regards, du jugement, de la société. Ce sont des lieux singuliers et libérateurs.
La liberté n’est pas donnée à ce lieu, elle est induite. L’endroit, comme tout ce qui s’y passe, est ignoré. « Depuis le départ je me débattais avec les cartes IGN pour tracer une sinusoïde de l’incognito. Non pas que je fusse en cavale mais je pressentais qu’un air de liberté soufflait sur ces allées.15 » On n’y ressent pas la pression de la société et de la loi, mais cela ne signifie pas qu’aucune juridiction ne l’encadre. Ainsi, profiter de la liberté de ce territoire peut, dans certains cas, induire la désobéissance à la loi ou aux mœurs.
Les tables de pique-nique à l’intérieur de mon établissement (Fig. 7) sont par exemple maculées de dessins et d’écritures par les élèves. Bien que dessiner sur ces tables représente une forme de vandalisme et de dégradation du bien commun, les étudiants transgressent cette interdiction morale. On retrouve dans ces graphitis des dessins humoristiques, des revendications, des insultes, de l’auto-censure, etc. L’espace de la table, qui est un support interstitiel, est devenu un territoire d’expression libre.
Face à l’interdiction, la désobéissance est souvent consciente. Pour Sylvain Tesson, ignorer l’interdiction ne signifie pas la combattre. « Si nous grimpions toujours en silence, au milieu de la nuit et vêtus d’habits sombres, ce n’était pas pour défier l’ordre. (...) Nous grimpions parce-que c’était plus beau et plus utile à nos âmes que de reposer nos corps dans un lit.16 » Duagram, photographe des lieux oubliés, voit celle-ci comme une réponse au paradoxe que représentent ces espaces. « Je n’aimerais pas que certains lieux ne soient plus illégaux. Certains sont dangereux. D’un point de vue des responsabilités, il faut que ce soit illégal. Maintenant, moi j’y vais quand même, c’est mon choix. » Bien qu’il voie un intérêt particulier aux lieux interdits au grand public, il considère leur interdiction d’accès comme légitime, car elle protège les visiteurs du lieu et le lieu des visiteurs.
Dans mon observation des graffitis sur les tables de pique-nique de mon établissement, j’ai pu constater qu’il s’agissait d’un lieu où tout était dit. Dans le désordre fourni des dessins et des mots se cachent de multiples messages. Perdus au milieu des autres, leurs auteurs savent qu’ils peuvent être anonymes. Des mots d’amour, aux revendications et aux insultes, tout est dit. Sans filtre, humoristique ou provocateur, ces tables sont devenues des exutoires. Des supports d’expression sauvage, la ville en regorge. « Des hommes se sont cachés dans les monuments parisiens où ils ont gravé des messages. Dans les trifiums de Saint Bernard, on lit « Vive De Gaulle » « Vive Pétain » « Jean-Moulin Criminel ». »
Bien que certains propos soient censurés par d’autres passants, l’on ressent moins de pression à s’exprimer à ces endroits plutôt qu’ailleurs. Toutes les personnes qui s’assiéront sur ces tables verront ce qui y est inscrit, mais le dédain que l’on porte à ce support d’expression protège les messages et leur auteur. Si les mêmes messages étaient inscrits sur des affiches dans le hall de l’établissement, ils seraient considérés plus sérieusement et le poids des conventions sociales empêcherait l’évocation de certains sujets. L’interstice est un espace d’émancipation.
L’émancipation et la liberté sont porteuses de nouveauté, l’interstice comme espace de leur manifestation représente ainsi un lieu de changement.
L’interstice n’a pas été créé, il existe par lui-même et s’oppose ainsi à une vision de contrôle de l’espace. Anomalie dans un territoire rationalisé, il est voué à disparaître dans un futur plus ou moins lointain, transformé par des éléments extérieurs. Le changement est ainsi obligé par sa nature.
L’interstice en lui-même ne peut pas être transformé en restant interstitiel, mais en disparaissant il peut laisser place à autre chose, soit dans la continuité de ce qui l’entoure, soit en rupture avec le tout qui le délimite, affirmant ainsi l’essence spécifique de cet espace.
Au cœur de toute narration se trouve le mouvement. Engrenage mettant en action l’histoire, l’interstice représenterait l’espace-temps du changement. La bande dessinée illustre bien cette conception, l’histoire se compose autour des cases. On voit dessiné l’avant et l’après, mais c’est dans l’espace imaginaire supposé par la gouttière qu’a lieu le mouvement de la narration.
Dans La Casa de Victor Hussenot, les gouttières, l’espace blanc de la page et les marges ont plus d’importance que les cases. Ce lieu interstitiel du récit classique est investi comme un réel espace de narration portant celle-ci à plusieurs niveaux de lecture. Il y a l’histoire des cases, dans l’histoire de la page, installée dans l’histoire du livre tout entier. La page 15 (Fig. 8) est un bon exemple de cette mise en abîme. L’histoire dans les cases se confond avec celle de la gouttière.
L’interstice dans la narration est également un ressort important en cinéma, le passage d’un plan à l’autre est pensé pour que le changement raconte quelque chose. Avec un regard plus précis, l’on peut voir dans la technique du cinéma et de l’image animée des intervalles. Tout mouvement est en effet décomposé en images, qui seules sont statiques, mais qui en se succédant s’animent. Le mouvement est dans l’intervalle de leur succession
Avec un point de vue plus philosophique, l’on peut situer l’interstice entre l’acte et la pensée. Il représenterait ainsi le moment où le changement se passe : l’événement. « L’événement n’est jamais « ce qui se passe », un simple état de choses empirique et factuel, mais il n’est jamais non plus une simple affectation de la pensée, il se situ à l’interstice entre l’expérience sensible et la pensée, lieu d’une genèse du sens toujours renouvelée.17 »
L’espace interstitiel de part sa vacuité et sa liberté offre de multiples possibilités de créations. Il appelle à l’appropriation, mais « Qu’est-ce que s’approprier un lieu ? à partir de quand un lieu devient-il vraiment vôtre ?18 ». De l’habitation, à la réhabilitation, de la consommation à l’exploitation, cette réserve d’espace disponible est vouée à être occupée.
En rupture avec le tout qui le délimite, l’interstice est un manque, un intervalle dans la continuité. Parce qu’il dérange, il peut être envisagé de le combler pour l’intégrer au tout, pour unifier l’ensemble. Les projets d’urbanisme, de réaménagement et de reconversion réintègrent ainsi des espaces marginalisés comme les friches et les lieux abandonnés dans notre société. Tel est le travail des streets artistes EMEMEM (Fig. 9) et Jan Vorman (Fig. 10) qui, par de la mosaïque et des Lego, comblent les failles. Bien que leur travail artistique occupent le manque, le choix du médium avec lequel il le colmate (briques colorées) garde trace de la singularité de cet espace.
La transformation d’un interstice dans le but de le réintégrer n’est pas une chose facile ; placé en marge, intégré malgré lui dans l’organisation humaine, il a déjà une place. Sa place dans le quotidien n’a peut être pas été véritablement décidée mais elle existe et transformer cet espace nécessite de le comprendre pour ne pas perdre son utilité actuelle. C’est le problème soulevé par les habitants de Marseille, dans le cinquième arrondissement, près de la place Jean Jaurès aussi connue sous le nom de La Plaine. Opposés au projet de réaménagement urbain dont doit faire l’objet ce lieu, les habitants reprochent un manque d’écoute et de considération pour cet espace central de leur quartier. « Une guerre se joue là-bas, (...). Non pas pour sauver un parking (...), mais pour sauver de la vie, un lieu, pour continuer de l’habiter, d’y jouer, continuer de vivre encore cette place plutôt que de la consommer19 ». Ainsi, il est peut-être plus cohérent de considérer l’évolution de ce territoire à son échelle plutôt qu’à celle plus large d’un tout dont il ne fait pas réellement partie.
Puiser dans la singularité que représente l’espace interstitiel est un moyen de lui donner une identité cohérente avec sa nature et son histoire. La maison Keret est un exemple d’architecture singulier (Fig. 11), créé par l’architecte Jakub Szczesny cette maison, construite dans un espace de moins d’un mètre cinquante de large entre deux immeubles, habite de manière innovante l’interstice. L’architecte à réussi à créer une maison avec le nécessaire pour vivre. Son intérieur lumineux et minimaliste cherche à faire respirer le lieu.
Il y a comme avec la Maison Keret des projets bien précis qui transforment les interstices, font de ces territoires des espaces nouveaux, mais le changement n’est pas forcément brutal, radical et planifié. Il peut être lent et instinctif, presque involontaire, s’approprier et transformer un espace est inévitable dans l’action d’habiter. « Dans ce recoin, si longtemps dédié aux bourrés qui viennent s’embrasser en fin de soirée, on décide d’installer une bibliothèque, parce-qu’on ne sait pas où la mettre. Je crois qu’il faut bien se garder de faire de l’interstice notre héros et du plan notre diable car c’est en apprenant ce qu’on veut faire de tel ou tel espace, en dessinant notre propre plan qu’on rend habitable les lieux que l’on occupe et le vertige de devenir aménageur de nos propre espaces ne doit pas nous faire vomir.20 »
L’interstice n’est pas qu’un simple espace indéfini. Dans une société de planification, de consommation et de contrôle de l’espace, il est politique.
Fantasmé comme un lieu plus libre, plus tranquille, rêvé, il a une place importante dans l’imaginaire collectif. Ouvert à tous les possibles, empli de potentialité, il à le pouvoir de devenir ce que l’on désire. Les changements sont malheureusement intrinsèques à sa disparition, et son avenir signifie aussi sa fin. Le fabuleux pouvoir qu’est sa potentialité est à usage unique.
L’interstice vit tant qu’il n’est pas consommé, tant qu’il est délaissé. Les personnes qui l’apprécient, qui le protègent, ne défendent pas « le principe du recoin mais des manières de vivre21 ». Ce qu’il n’est pas à plus de valeur que ce qu’il est, il représente la différence. L’interstice vit en marge, la friche et les espaces délaissés deviennent ainsi des lieux investis par une « nouvelle biodiversité » issue de la ville, ce sont des « espaces verts autonomes », sauvages. Les S.D.F. et les personnes marginalisées s’y installent et inventent de nouveaux modes d’habitation pour survivre, s’adapter et résister aux normes et aux injonctions sociales.22
Luc Lévesque qualifie ainsi le terrain vague de monument. « (...) Le terrain vague incarne un espacement libérateur face à l’emprise de nos sociétés de contrôle. » C’est un lieu de refuge, un territoire où fuir pour échapper au tout, au plan, à la société. « Partir sur les chemins noirs signifiait ouvrir une brèche dans le rempart. N’ayant en moi ni la violence du saboteur, ni le narcissisme de l’agitateur, je préférais la fuite.23 » La force de cet espace résiderait dans sa manière de défier le plan et de proposer un autre mode de vie et de pensée que celui de notre société capitaliste.
« Tout est espace, on vit dans l’espace, cela est évident, un peu trop évident, il faut reconsidérer cette évidence.24 » Dans Espèce d’Espace, George Perec étudie sa perception du monde, en partant de l’espace de sa chambre, il interroge ses souvenirs, ses ressentis et élargit petit à petit son regard jusqu’à l’espace de l’univers. Dans cet essai intime, il invite le lecteur à réinterroger sa perception de ce qui l’entoure, de l’espace dans lequel il se trouve.
Nous avons tous une vision intime de l’espace. Nous avons chacun notre manière de nous orienté, selon notre vécu, nos sensibilités et nos centres d’intérêts, nous ne partageons pas les mêmes repères (architecture, paysage, nom des enseignes, nom des rues, nom des arrêts de métro et de bus...). La seule vision de l’espace qui soit commune est celle de la carte, de l’image satellite, du plan. Cette conception conceptuelle et factuelle des choses se superpose à notre point du vue personnel. L’auteur Sylvain Tesson fait ainsi l’éloge de la vision du monde des Wanderer, les citadins explorateurs. « Nous avons ainsi élaboré une représentation géographique parallèle des villes de France à un niveau supérieur, superposable aux plans officiels.25 »
Le travail de l’artiste Mathias Poisson cherche ainsi à remettre en perspective la cartographie. Nourri par son expérience du terrain, il dessine des cartes subjectives, sensorielles et abstraites très proches de son ressenti mais très loin de la représentation factuelle des plans et des images satellites. Mélangeant réalisme et abstraction, Entre les Dalles (Fig. 12), est une carte réalisée lors de sa résidence au centre culturel du Colombier à Rennes. Cette carte a pour objectif de valoriser le quartier en proposant des itinéraires de promenade. Son travail est une invitation au voyage et à l’errance pour comprendre et découvrir par soi-même les lieux illustrés.
Partir à la rencontre de l’interstice, que ce soit par simple curiosité ou pour en prendre possession, c’est interroger sa présence dans notre monde. Questionner la place de ces espaces dans nos vies et changer nos regards sur ces lieux, peut être un moyen de libérer notre pensée.
En 1931, Paul Valéry déclarait déjà que « Toute la terre habitable a été de nos jours reconnue, relevée, partagée, entre des nations ! L’ère des terrains vagues, des territoires libres, des lieux qui ne sont à personne, donc l’ère de libre expansion est close [...] Le temps du monde fini commence. 26 » Il s’agit d’une conception très économiste et fataliste de la mondialisation. Le terrain libre et l’inconnu ont cependant toujours été source de fantasmes et d’inspiration pour les explorateurs et les artistes, proclamer leur mort est à la foi radical et pessimiste.
Pour Sylvain Tesson l’inconnu n’a pas disparu. « Les pessimistes pensent que le balayage de la terre par l’œil des satellites suffit à faire disparaître le mystère, c’est oublier un peu vite que la lentille du télescope ne dévoile que l’écume des choses.27 » Le voyage et l’exploration sont d’après lui des moyens de partir à la rencontre du monde et de découvrir qu’il y a de multiples choses que l’on ignore.
Découvrir le monde dans les chaussures d’un voyageur serait le premier pas pour ré-enchanter le monde. Mathias Poisson, lors de sa résidence à La Gare Franche à Marseille, à créé une agence de tourisme singulière. L’Agence Touriste est une agence de promenade locale et expérimentale qui propose d’inventer et de pratiquer un tourisme singulier pour explorer des territoires méconnus (quartiers sans monuments, périphéries de villes, lieux abandonnés). En déambulant dans un parcours loin de celui emprunté par les touristes classiques, les visiteurs sont invités à prendre des notes graphiques et textuelles, à interroger leur ressenti et leurs émotions pour réaliser la valeur de lieux ignorés et dévalorisés par la société.
Ré-enchanter l’interstice c’est trouver de l’intérêt à cet espace qui en semble dépourvu. Durant ses voyages, Sylvain Tesson a trouvé plusieurs manières de s’occuper l’esprit et de combler l’ennui. Il y a tout d’abord l’émerveillement, « Léonard de Vinci imaginait la montagne en regardant un caillou28 ». Il y a également la rêverie, « le voyageur quand il n’a rien à observer s’égare dans ses rêves29 ». Et puis « Sur la piste pour combattre le vide, il y a la poésie30 ».
Tout le monde n’a pas naturellement la sensibilité pour apprécier comme Sylvain Tesson le paysage. Ré-enchanter l’interstice c’est également parvenir à transmettre une vision positive de celui-ci. Martin de la Soudière évoque dans Arpenter le paysage les portes-paysages des supports « qui souvent aident et accompagnent toute entrée en paysage ou y invitent.31 ». « De façon très spécifique, les livres de lecture parlent donc de paysage et invitent à les rêver.32 » Il cite par exemple les jumelles, les tableaux, les affiches, les cartes, les timbres etc. À la manière des porte paysages, le rôle d’un graphiste pourrait être de porter, par des supports visuels, la valeur poétique et sensible des lieux interstitiels au grand public.
L’interstice est un espace vide, vacant, fuyant et insaisissable. Il se présente comme un territoire d’incertitude et d’inconnu à découvrir. Ouvert, libérateur c’est un lieux d’émancipation et de changement. En somme c’est un espace dont la valeur réside dans sa potentialité et sa marginalité.
Partir à la découverte des interstices que l’on côtoie à l’échelle de sa vie et plus largement à l’échelle de sa ville c’est prendre du recul. C’est porter un regard nouveau sur son quotidien, être critique de la norme pour apprécier la différence. La beauté, le pouvoir et la potentialité de ces espaces ne sont pas donnés. Il faut accepter de quitter le sentier balisé. S’engager sur ce chemin n’est peut-être pas intuitif ni évident. Comment questionner un espace dont on ignore l’existence ? En enquêtant sur la nature des espaces interstitiels, j’ai découvert de multiples territoires d’inconnus qui m’entourent. Au cours de mes recherches j’ai croisé divers types d’interstices, lieux abandonnés, non-lieux, lieux inaccessibles, espace de vide, espace-temps insaisissable, etc. Mon travail traiterait des interstices dans leur pluralité, car ils amènent chacun des questionnements différents qui s’entrecroisent. Je souhaiterais mettre en lumière ces lieux dédaignés qui me semblent dignes d’intérêt.
Je me positionne comme graphiste esthète et médiateurs. Esthète car j’aspire à retrouver de la poésie et de la sensibilité dans les espaces interstitiels. Médiateur car mon travail aurait pour but de proposer des supports amenant le public à interroger son quotidien et à revisiter les espaces qu’il côtoie avec un regard nouveau. En explorant ces espaces de ma ville, j’aimerais donc proposer au Grenoblois une invitation au voyage dans les interstices de la ville.
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Sugimoto, Hiroshi, Révolution, 1980, Série de photos.
Szczęsny, Jakub. La maison Keret. 2012, architecture.
Whiteread, Rachel, House, 1993, sculpture.
APPROPRIER
S’approprier à qqc. Devenir propre à, s’adapter à.
S’attribuer quelque chose. Attribuer quelque chose à soi-même, la faire sienne (souvent d’une manière indue).
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CHANGEMENT
Action, fait de changer ; résultat de cette action.
Fait de rendre plus ou moins différent, de transformer, de modifier.
Remplacement, renouvellement, fait de mettre à la place quelque chose de différent mais de même nature ou fonction.
Fait de rendre nouveau.
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DÉLAISSER
Abandonner quelqu’un, le laisser seul et démuni.
Se résigner, devenir indifférent à son propre sort.
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ÉMANCIPATION
Action de (se) libérer, de (s’)affranchir d’un état de dépendance ; état qui en résulte.
Action de se libérer, de se dégager d’une dépendance morale, des préjugés de son époque, etc.
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ESPACE
Milieu idéal indéfini, dans lequel se situe l’ensemble de nos perceptions et qui contient tous les objets existants ou concevables (concept philosophique dont l’origine et le contenu varient suivant les doctrines et les auteurs).
Distance déterminée ; surface.
L’espace considéré dans ses trois dimensions] Volume déterminé.
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EXUTOIRE
Activité qui sert à détourner un excès d’une énergie, d’un tempérament, d’un sentiment. Trouver son exutoire dans qqc.
Étymol. Dér. sav. du lat. exutus, part. passé de exuere « débarrasser ; dépouiller » ; suff. -oire*.
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FRICHE
Terre vierge ou (le plus souvent) laissée à l’abandon.
En friche. En état d’inculture. Tomber en friche.
Domaine inexploré ou négligé.
En friche. À l’abandon, inemployé.
Vient du m. néerl. versch/virsch « frais, nouveau » (Verdam) qui, employé avec le mot lant « terre » désigne une terre qu’on a gagnée sur la mer en l’endiguant.
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INDÉFINI
Qui n’est pas fini, n’est pas ou ne peut être limité ni délimité.
Qui n’est pas clairement défini, qui, n’étant pas spécifié, demeure vague.
Étymol. Empr. au b. lat. indefinitus « indéfini, vague », dér. de definitus part. passé de definire, v. définir.
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INTERSTICE
Espace de temps.
Mince espace qui sépare deux choses. Synon. espacement, fissure, hiatus, intervalle, jour, lézarde.
Intervalle, hiatus.
Étymol. Empr. au b. lat. interstitium « intervalle », dér. de interstare « se trouver entre ».
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INTERVALLE
Distance qui sépare un lieu, un point, un objet d’un autre ; p. méton. espace vide ainsi déterminé. Synon. écart, espace.
Par intervalle. De place en place.
Différence qui sépare deux personnes, distance qui sépare deux situations, ce qui se trouve entre deux limites.
Distance qui sépare une époque, une date, un événement d’un(e) autre ; p. méton. laps de temps ainsi déterminé. Synon. écart, moment, période.
Par intervalle. De temps à autre.
Moment d’accalmie qui intervient au cours d’une période de souffrance.
Étymol. Empr. au lat.intervallum, attesté aux sens 1-3 à l’époque class., d’où l’a. fr. entreval, au sens 1 (ca 1200 ds T.-L.).
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INVESTIR
Qqn investit qqn
Mettre en possession d’un fief, d’une juridiction par une cérémonie solennelle consistant en la remise d’un symbole (de juridiction, du pouvoir, de la dignité concédée). Autrefois les rois investissaient les évêques en leur donnant la crosse et l’anneau (Ac.1935).
Mettre en possession d’un droit, d’un pouvoir, d’une dignité ; installer officiellement dans des fonctions. Investir un magistrat, un évêque.
investit qqn/qqc. de qqc.Doter (d’un pouvoir ou d’une qualité).
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LACUNES
Espace vide dans l’étendue d’une chose, solution de continuité d’un corps.
Solution de continuité dans une série, un enchaînement, un système, un ensemble.
Étymol. Empr. au lat. lacuna « trou » aux sens propre et fig., dér. de lacus, v. lac.
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LIEUX
Portion déterminée de l’espace.
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LIMITE
Ligne qui détermine une étendue, une chose ayant un développement spatial ; ligne qui sépare deux étendues.
Ce qui détermine un domaine, ce qui sépare deux domaines.
Ce qui ne peut ou ne doit être dépassé.
Étymol. Empr. au lat. limes, -itis « chemin bordant un domaine, sentier entre deux champs ; limite, frontière ».
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MARGES
Espace vierge laissé entre le pourtour de ce qui est imprimé (texte, gravure) et le bord de la page.
Espace vierge laissé à droite du recto et à gauche du verso d’une page imprimée et (généralement) à gauche d’une page manuscrite.
Espace situé sur le pourtour externe immédiat de quelque chose.
En marge (de qqc.).
À la périphérie de quelque chose.
À l’écart de quelque chose.
Étymol. Du lat. margo, marginis « bord, bordure ».
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NON-LIEUX
Les non-lieux sont définis par l’anthropologue Marc Augé (1992), auquel la paternité du terme est communément attribuée, comme des espaces fonctionnels nés de la mondialisation, standardisés et déshumanisés, porteurs d’une rupture avec les lieux « anthropologiques » comme le foyer. Gares, aéroports, centres commerciaux, fonctionnant tous sur le même modèle. Cette critique des espaces produits par l’uniformisation du monde reste pertinente. Ainsi en 2016 Jean-Christophe Gay montre comment les aéroports, ouverts sur la rue et facilement accessibles dans les années 1960, sont ensuite devenus « des symboles de la déshumanisation et du morcellement ».
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/non-lieu-hyperlieu
PARTIE
Élément (d’un tout).
Élément constitutif ou portion d’un tout, considéré(e) dans ses rapports avec ce tout.
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TOUT
Marque l’idée d’intégralité
Pour marquer l’intégralité d’un espace (au propre ou au fig.), d’un volume, d’une durée, d’un processus, d’une collection, d’une masse ou la plénitude d’une réalité.
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POTENTIALITÉ
Caractère de ce qui est potentiel, qualité de ce qui existe en puissance.
Qualité, chose potentielle. Synon. possibilité, virtualité.
Aptitude qui ne s’est pas manifestée ou développée chez le sujet, faute d’occasion ou le plus souvent en raison d’un interdit, d’une situation conflictuelle ou d’une situation traumatisante (d’apr. Virel Psych. 1977).
Étymol. Empr. au lat. médiév. potentialitas. Au xixes., repris de l’angl. ou du lat., ou dér. sav. de potentiel (suff. -ité, v. -té).
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VIDE
Qui ne contient rien de concret ; p. ext., qui est dépourvu de son contenu. Anton. empli, plein, rempli.
Où il n’y a personne, qui est inoccupé.
Qui n’est pas occupé par quelque chose ; dont rien ne vient rompre l’uniformité.
Qui n’est pas occupé par une activité.
Vide de. Qui est dépourvu de.
Lieu, espace où il n’y a rien.
Partie de l’espace qui s’étend en profondeur.
Espace de temps inoccupé.
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Je remercie tout d’abord ma famille qui a pris le temps de me relire, ainsi que mes amis, professeurs et camarades de classe avec qui j’ai échangé et dont les conseils m’ont permis d’avancer. Enfin, merci à Duagram pour m’avoir accordé cette entrevue.
1 Définition sur https://www.larousse.fr (consulté le 14/11/2023)
2 Godin, Christian. Le tout dans la partie. Cairn Info, 2000,
Disponible sur https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-mediologie-2000-1-page-179.htm (consulté le 9 novembre 2023).
3 Définition sur https://www.cnrtl.fr/ (consulté le 16/11/2023)
4 Parménide
5 Klein, Étienne. L’histoire du vide. 2023, conférence disponible sur https://www.youtube.com/live/db2rhB49IGo?si=tbMcS7zzbCFezM9x (consulté le 9 novembre 2023).
6 Aristote
7 Bianco, Manon. L’importance du vide en art. 2014, article, disponible sur
https://notos.numerev.com/articles/revue-2/261-l-importance-du-vide-dans-l-art# :~ :text=« %20L%27humanité%2C%20acceptant%20l,et%20une%20infinité%20de%20possibilités (consulté le 9 novembre 2023).
8 Lowith, Karl. Différence entre orient et occident. 2014, article, disponible sur https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2014-1-page-193.htm (consulté le 9 novembre 2023).
9 Lowith, Karl. Différence entre orient et occident. 2014, article, disponible sur https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2014-1-page-193.htm (consulté le 9 novembre 2023).
10 Grésillon, Étienne, Alexandre, Frédéric, Sajaloli, Bertrand. La France des marges. Collection Horizon, édition Armand Colin, 2016
11 Fustiger, Paul. L’interstitiel et la fabrique de l’équipe. 2012, article, disponible sur https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-de-psychosociologie-2012-2-page-85.htm (consulté le 9 novembre 2023).
12 Augé, Marc. L’histoire s’accélère, les non-lieu se multiplient. Philosophie magazine n°043, 2010, article p. 58-63.
13 Le Strat, Pascal-Nicolas. Multiplicité interstitielle. 2007, article disponible sur https://www.cairn.info/revue-multitudes-2007-4-page-115.htm (consulté le 5 décembre 2023)
14 Carroll, Noël, Philosophy of horror.
15 Tesson, Sylvain. Sur les chemins noirs. Édition Gallimard, 2016, P. 34
16 Tesson, Sylvain. Petit traité sur l’immensité du monde. Édition Pocket, 2008, P. 108-110
17 Deleuze, Gilles. Différence et Répétition. Édition Presses Universitaires de France, 1968,. P. 4
18 Perec, George. Espèce d’espace. Édition Galilée, 1974, P. 50
19 Mayday. Les interstice de la ville. 2018, podcasts disponible sur https://audioblog.arteradio.com/blog/98875/podcast/126261/5-les-interstices-de-la-ville (consulté le 9 novembre 2023).
20 Mayday. Les interstice de la ville. 2018, podcasts disponible sur https://audioblog.arteradio.com/blog/98875/podcast/126261/5-les-interstices-de-la-ville (consulté le 9 novembre 2023).
21 Mayday. Les interstice de la ville. 2018, podcasts disponible sur https://audioblog.arteradio.com/blog/98875/podcast/126261/5-les-interstices-de-la-ville (consulté le 9 novembre 2023).
22 Grésillon, Étienne, Alexandre, Frédéric, Sajaloli, Bertrand. La France des marges. Collection Horizon, édition Armand Colin, 2016
23 Tesson, Sylvain. Sur les chemins noirs. Édition Gallimard, 2016, P. 42
24 Perec, George. Espèce d’espace. Édition Galilée, 1974, P. 50
25 Tesson, Sylvain. Petit traité sur l’immensité du monde. Édition Pocket, 2008, P. 224
26 Valéry, Paul. Extrait de l’avant-propos de Regards sur le monde actuel, 1931
27 Tesson, Sylvain. Petit traité sur l’immensité du monde. Édition Pocket, 2008, P. 43
28 Tesson, Sylvain. Petit traité sur l’immensité du monde. Édition Pocket, 2008, P. 36
29 Tesson, Sylvain. Petit traité sur l’immensité du monde. Édition Pocket, 2008, P. 36
30 Tesson, Sylvain. Petit traité sur l’immensité du monde. Édition Pocket, 2008, P. 32
31 De la Soudière, Martin. Arpenter le paysage. Édition Anamosa, 2019, P. 148
32 De la Soudière, Martin. Arpenter le paysage. Édition Anamosa, 2019, P. 148
Interstitial spaces are defined as small empty spaces between two parts of a whole. Above all, they are potentially undefined freeing spaces. Even if interstitial spaces are omnipresent, we are usually unaware of their existence. They remain full of mystery. That is why we can wonder if a call to the exploration of interstices can lead to the emancipation of thought and to the reinterpretation of space by city-dwellers.
This study investigates the identity of interstitial spaces from the idea of a whole and parts to the shape of limits and margins as well as the conception of void and absence. Interstices exist because they do not, which does not mean they are nothing. The study then questions their potentialities as a space to discover, an area full of freedom, and a territory of changes. Interstices are thus endowed with power. The third part explores these spaces as areas to eventually occupy and appropriate. But they are also areas of difference that invite change in our vision of spaces. To take an interest in interstitial space, we need to be filled with wonder.
To put it in a nutshell, a graphic designer could offer city-dwellers an attractive scheme to reassert the value of interstice and promote a different, more poetic and unique approach to tourism.