DN-MADe MENTION GRAPHISME
Design éditorial supports multiples
Lycée Argouges, Grenoble
Mémoire DN-MADe
Année 2024-2025
Le designer peut-il accompagner et favoriser des alternatives à une simple consommation d’images ?
L’expérience alternative du cinéma
Théo Sepré
Sommaire
1. Constat sur le paysage cinématographique français
1.a. Histoire, sociologie et géographie du cinéma, évolution de le fréquentation et des pratiques
1.b. Quel cinéma est diffusé et domine ?
2.a. Réinventer les dispositifs de projection
et l’espace
2.b. Aller au-delà de la séance
3.a. Le cinéma bis, une marginalité révolutionnaire
3.b. Le cinéma bis comme levier pour l’expérimentation
3.c. Rôle du design dans la médiation culturelle et les expériences alternatives
capital culturel
Ensemble des ressources culturelles dont dispose un individu, biens culturels qui sont transmis par les différentes actions pédagogiques familiales.
wikipedia.org
CINÉMA BIS
Le cinéma bis désigne des films de genres (action, aventure, horreur...), conçus pour reprendre des recettes déjà éprouvées, mais avec des moyens généralement réduits. Le cinéma bis, dans la définition de certains, inclut tous les films « autres », en-dehors du cinéma dominant à gros budget comme de la production artistique de prestige. La définition recouvre généralement divers aspects du cinéma populaire : film d’horreur, film d’aventure à petit budget, etc. La grande époque du cinéma bis est considérée comme coïncidant avec l’apogée des salles de quartier.
www.nanarland.com
cinéphilie
Amour du cinéma.
cntrl.fr
habitus culturel
« Un habitus désigne l’ensemble des dispositions individuelles ou collectives acquises, durables et transposables, qui fonctionne à la fois comme système d’incorporation des structures sociales et matrice structurant les pratiques, leur permettant de s’exercer dans des situations nouvelles. »
Ruby, Christian, « Abécédaire des arts et de la culture », 2015.
kinétoscope
Appareil d’Edison, fondé sur la persistance des images sur la rétine, qui restitue la sensation d’un mouvement dans sa totalité grâce au déroulement accéléré des photographies successives qui le composent et que les spectateurs regardent individuellement au moyen d’une lentille.
cntrl.fr
MULTIPLEXE
Complexe cinématographique à nombreuses salles.
dictionnaire.lerobert.com
Nanar
Le terme nanar est employé par certains cinéphiles pour désigner des films particulièrement mauvais qu’on se pique de regarder ou d’aller voir pour les railler et/ou en tirer au second degré un plaisir plus ou moins coupable.
www.nanarland.com
paracinéma
Terme académique qui fait référence à une grande variété de genres cinématographiques hors du courant dominant.
wikipedia.org
phénakistiscope
Appareil d’optique ancien dont le principe repose sur la persistance des images rétiniennes, composé d’un disque (auquel est adjoint un miroir) ou d’un cylindre rotatifs, percés de fenêtres longitudinales régulièrement espacées au travers desquelles on regarde une série d’images légèrement différentes entre elles, dont le défilement rapide restitue l’impression de mouvement.
cntrl.fr
Nowadays, it’s undeniable that cinema is a major medium in our societies, it is and has been a powerful vector of cultural influence, a tool that spotlights our contemporary issues.
However, like many forms of art, cinema is more and more shaped by economic and commercial imperatives, due to that, spectators are often reduced to the role of consumers, and cinema’s artistic essence is minimized.
Alternative ways of experiencing cinema are explored, outside traditional places and institutions which are often restrictive and standardized. It includes popular, associative, technological, and artistic initiatives that have redefined audience practices from historical and contextual point of views.
The aim is to demonstrate that cinema’s particularity is its accessibility and immediacy, everyone can express an opinion without any particular legitimacy. Thanks to its social and experimental dimension, cinema is an ideal starting point for open-mindedness, discovery, exchange and debate. In these alternative cultural places, the spectator can regain an active role in what he’s watching.
Particular attention is given to the designer, and how he can support these associative and marginal initiatives in a society tending towards individualization. His skills make him a tool, a facilitator fostering interactions, helping to create the conditions for people to meet in a place that is not the traditional cinema typology.
Il y maintenant presque 10 ans, encore adolescent, j’ai commencé à gagner en autonomie dans les choix des produits culturels que je souhaitais « consommer », et ce notamment grâce au temps considérable que je passais sur internet. Des plateformes comme YouTube ont éveillé ma curiosité, leurs algorithmes puissants me menant toujours vers de nouvelles découvertes, musicales et vidéo. C’est probablement à cette période que mon esprit critique s’est développé, mon appétence pour une forme de différenciation a grandi en parallèle de mon frère jumeau, à qui j’étais inexorablement associé, j’avais besoin de former mon identité, chose que je ne conscientisais probablement pas à l’époque. En 2016, je creuse de plus en plus la musique metal, qui deviendra au fil des mois mon intérêt principal. Ce genre musical aux sous niches variées, bien que de plus en plus accepté revêt des aspects qui sont sans aucun doute marginaux, expérimentaux et est étroitement lié à l’histoire, la littérature fantastique et de science-fiction et le cinéma, comme s’il était une extension. C’est une musique très imagée et graphiquement foisonnante, ses esthétiques vont de l’étrange, du radical au second degré. Un point commun, elles emmènent vers un ailleurs. Fatalement, comme pour la musique, mon autonomie s’est étendue au cinéma, grâce à l’aide de mes amis et des rencontres que j’avais faites en concert, festivals, soirées (notamment autour du metal, où je fréquentais les scènes locales). Ma cinéphilie personnelle s’est axée autour de films, à l’instar du metal, différents, moins diffusés par les circuits traditionnels, c’est comme cela que je découvre Braindead, The Toxic Avenger, Street Trash, Suspiria et tant d’autres, ne m’empêchant pas de regarder d’autres genres me plaisant autant. Ces métrages subversifs, étonnants font souvent l’objet de discussions dans mon cercle proche, on les regarde parfois ensemble, avec beaucoup de curiosité et d’intérêt pour leur aspect inattendu.
Dans le contexte de la pandémie, j’ai grandement reconsidéré le rôle de la culture de ma vie et à quel point son absence avait un impact significatif sur mon bien-être et mes relations sociales. Aujourd’hui j’arrive au constat indéniable que la culture est un pilier dans ma vie et qu’elle doit être accessible au plus grand nombre, et dans la plus grande diversité possible. Dans cette perspective, le cinéma me semble être l’un des meilleurs moyens et l’un des plus immédiats, instinctifs pour s’enrichir et de discuter, et se rencontrer. Attaché au monde associatif c’est pourquoi j’ai choisi la thématique de l’expérience alternative du cinéma.
La culture joue un rôle fondamental dans nos sociétés par son pouvoir fédérateur, pour l’épanouissement des individus et le renforcement du lien social. A travers des formes artistiques comme le cinéma, la musique, la littérature ou le théâtre, elle offre des moyens d’expression et de compréhension du monde. Elle participe à la construction de l’identité collective et individuelle et permet aussi de valoriser la diversité et de rapprocher des cultures différentes.
Plus spécifiquement, le cinéma est un outil de réflexion, de divertissement et de lien social et est le véhicule des messages puissants sur l’état du monde, les relations humaines, les conflits sociaux ou encore les enjeux politiques. En tant qu’art populaire, le cinéma a la capacité de toucher un large public, dépassant les barrières culturelles et linguistiques, ce qui en fait un média universel.
Le cinéma s’immisce dans notre vie de tous les jours, fait partie de notre culture collective et individuelle, « il offre une tribune, opportunité de prendre sans trop d’illégitimité, la parole sur les films aimés ou abhorrés »1. Il suscite des émotions et des débats, est le miroir de nos sociétés et est protéiforme. Parfois critique, parfois idéaliste, le cinéma joue un rôle éducatif en formant à l’ouverture d’esprit et l’opinion. Par ses récits et sa multitude de genres, il éveille la curiosité et permet de s’immerger dans des réalités différentes, parallèles. Il met en lumière des questions de société essentielles, telles que l’injustice, la pauvreté, l’égalité des genres, l’environnement, les droits humains et tant d’autres. Le 7e art est le support d’idées nouvelles, qui remettent en question les normes établies. Il n’est pas simple divertissement, son impact sur nos sociétés n’est pas à minorer car il contribue à façonner la culture d’une société en nourrissant l’imaginaire collectif et influence les modes de pensée.
Cependant, dans une ère post-pandémie marquée par le repli sur soi, l’individualisation, l’uniformisation et la domination du libéralisme, le rôle de la culture, et du cinéma en particulier, est de plus en plus remis en question. Trop souvent considéré comme non essentiel par certains décideurs politiques, le secteur culturel subit des baisses de budget croissantes en France. Les difficultés économiques et sociales se creusent au sein de la population, accentuant toujours plus les divisions. Pire encore, le cinéma tend parfois à n’être perçu que comme un produit consommable, dépouillé de sa dimension artistique et contraint par l’appât du gain.
Dans un contexte marqué par des défis sociaux, économiques et culturels croissants, cette étude interroge le rôle d’initiatives alternatives, souvent éloignées des logiques purement lucratives, et dont les ambitions philanthropiques et philosophiques deviennent un moteur pour l’action sociale et la médiation culturelle. Ces initiatives proposent des approches novatrices pour réinventer le rapport au cinéma en misant sur son potentiel de rapprochement des individus.
Nous examinerons également comment le designer peut se positionner en tant que médiateur et facilitateur d’interactions sociales dans ce cadre, et comment il peut palier une simple consommation d’images. Dans un premier temps, nous dresserons un état des lieux du paysage cinématographique français et de notre rapport à la consommation d’œuvres cinématographiques. Ensuite, nous analyserons les dispositifs innovants qui transforment l’expérience du cinéma, ainsi que les initiatives qui exploitent cet art comme outil social. Enfin, nous explorerons le rôle historique du cinéma bis en tant que contre-culture et la pertinence du designer dans son exploitation comme levier pour susciter des rencontres et des expérimentations collectives.
Le cinéma, aujourd’hui reconnu comme un art majeur, s’est imposé comme tel au cours du XXe siècle. Pourtant, il reste profondément ancré dans une tradition populaire. Héritier des spectacles d’illusions forains et de la pantomime, il s’adresse d’abord au peuple comme forme de divertissement. À ses débuts, il est largement méprisé par les élites nobles et bourgeoises, attachées à des formes artistiques classiques telles que la peinture, le théâtre, l’opéra ou la musique, qui symbolisent leur domination culturelle. « Pendant l’entre-deux guerres et pour une partie de la société française, aller au cinéma était l’équivalent d’aller au peuple. Si un membre de la bourgeoisie allait au cinéma, il y allait en cachette, comme s’il commettait un crime. En 1925 encore, le cinéma était sur l’agenda de l’Assemblée Nationale, décrié comme "un instrument de perversion", une activité dénigrée par beaucoup d’intellectuels et les hauts échelons de la société »2.
Le comportement attendu des spectateurs était loin d’être le même qu’aujourd’hui, dans les quartiers dits populaires, on n’hésitait nullement à adopter des attitudes bruyantes et éloignées du silence de la salle obscure : nourriture, critiques à voix haute, applaudissements, sifflements, hurlements. Mon ciné, journal cinématographiques des années 20 en France se plaignait sans cesse de ces excentricités « les cinémas ne sont pas des lieux de plaisirs où il est permis de se livrer à toutes les excentricités. Trop de gens en prennent à leur aise et viennent, dans les salles de projection, avec l’idée bien arrêtée de ne pas se gêner et de s’y comporter comme dans un café… dans un café mal famé, ajouterons-nous »3 ; « les salles populaires était un des sujets majeurs de discussion dans les journaux et les magazines spécialisés de l’époque. Les surréalistes adoraient ce public bruyant, alors que beaucoup de critiques essayaient « d’éduquer » leurs lecteurs en insistant sur l’importance du silence pendant la projection. »4
C’est au début du XXe siècle que le cinéma commence à s’affirmer comme un art à part entière, grâce au soutien d’intellectuels, de critiques et de théoriciens européens. Ils voient dans ce nouveau médium un foisonnement créatif et défendent sa valeur artistique. Cependant, durant la première moitié du siècle, le cinéma reste plutôt relégué au rang de divertissement populaire, d’anti-culture. Sa reconnaissance comme un art légitime par les cercles intellectuels et les institutions du bon goût ne s’affirme que bien plus tard, lorsqu’il acquiert une aura dans les sphères culturelles supérieures et s’impose comme le 7e art. En janvier 1927, une loi interdira de garder son chapeau, de fumer, ainsi que tout comportement pouvant perturber la vue ou l’écoute des autres spectateurs. Des normes architecturales spécifiques furent instaurées, et tous les établissements devaient obtenir une licence pour projeter des films. Les autorisations d’ouverture étaient refusées aux lieux qui ne respectaient pas certains critères de sécurité.
Ainsi se pose la question du rôle du cinéma en société, et ce qui advient de lui dans des périodes de remise en question majeures, comme celle de la pandémie de la Covid-19 en 2020. Cet évènement qui souleva dans un premier temps de questions de santé publique soulèvera ensuite un myriade d’autres interrogations sur nos manières de vivre, de travailler, d’être ensemble, et de consommer, notamment des produits culturels. Quasiment l’ensemble des secteurs furent impactés par la crise, et bien entendu le monde de la culture ne fit pas exception. Plus encore, il a été au centre des débats et des controverses, sa importance étant minorée par le gouvernement français qui considéra qu’il n ‘était pas de première nécessité. Le spectacle vivant, le cinéma, les musées et lieux de patrimoine ont subi de plein fouet les conséquences de ce repli, avec la fermeture de ces établissements durant de nombreux mois, mettant en péril leur pérennité financière. Sur la période 2020-2021, les cinémas ont vu leur portes fermées durant 300 jours au total5. Certaines pratiques culturelles, comme celle du cinéma, incluent des déplacements dans des lieux physiques, d’entamer une démarche, de partager l’espace avec autrui, tout cela est compromis lorsque des crises de l’ampleur de la Covid-19 surviennent. Cela n’est pas un secret, nous vivons dans un monde emprunt aux pandémies, la mondialisation, les échanges massifs le permettant, les conséquences sont réelles, et fatalement les interactions humaines, incluant la culture, sont impactées. Dans ce contexte, plusieurs cas de figure émergent, soit les individus se replient sur eux-mêmes, habitués à passer du temps chez eux ou à limiter les contacts, soit ils sont en forte demande de passer du temps avec autrui.
Aujourd’hui en 2024, il est désormais possible de poser un regard rétrospectif sur les évènements, de prendre un recul certain sur ce qu’il en est de la situation du cinéma en France. Pour cela, nous pouvons nous servir de deux grands indicateurs que sont la géographie et la sociologie, qui regroupent chacun des sous indicateurs, pour tirer des observations, et des conclusions sur l’impact de la pandémie sur le monde du cinéma. Depuis 2006, le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée, un établissement public, réalise des études prospectives sur la fréquentation des salles, le profil sociodémographique des spectateurs et « évalue la pénétration du média cinéma et met en évidence la répétition de la consommation cinéma au travers des habitudes de fréquentation ». Aussi, il analyse « l’évolution du parc de salles et des résultats de fréquentation au plan national, régional, départemental, mais également par agglomération et par commune », mettant en lumière l’évolution des offres selon les différents découpages géographiques en France.
L’ensemble des contraintes sanitaires maintenant levées, ce qu’il faut retenir pour l’année 2023, c’est que les français reviennent de plus en plus en salle, on observe un nombre d’entrées en nette progression par rapport aux années précédentes, avec 40,9 millions de spectateurs en plus, pour un nombre moyen d’entrées passant de 3,8 fois à 4,4 l’année dernière. Cependant, la fréquentation est toujours en recul si on la compare à son niveau avant crise, où la moyenne était de 5 entrée par spectateur en 2019. Cela nous montre, que les pratiques ont évoluées, et que ce retour au cinéma n’est pas aussi immédiat et évident qu’on aurait pu le croire, indéniablement dû aux impacts multiples produits par la pandémie (psychologiques, économiques).
En France, le paysage cinématographique reflète une sociologie complexe et diversifiée, où la fréquentation dépend fortement de facteurs comme l’âge, le temps libre, le pouvoir d’achat et le capital culturel. Les inactifs, en particulier les retraités et les étudiants, représentent plus de la moitié des entrées. Les seniors se démarquent par une assiduité plus importante, avec 5,5 entrées par spectateur en moyenne, contre 4,4 toutes tranches d’âge confondues, tandis que les prix avantageux et l’appétence pour la nouveauté attirent les jeunes. Preuve de cette tendance, 80 % des moins de 25 ans sont allés au cinéma au moins une fois en 2023.6
Le parc cinématographique français est également marqué par des disparités territoriales et structurelles. Si le nombre total d’établissements a augmenté en 2023, cette croissance est principalement due aux multiplexes, dont le nombre a bondi de 30,4 % en moins de dix ans. Ces complexes concentrent désormais 56,1 % des séances et 58,3 % des entrées, malgré leur faible représentation (12,1 % des établissements).
À l’opposé, les mono-écrans continuent de décliner, notamment en zones rurales.7
Les cinémas Art et Essai, qui constituent depuis 2020 plus de 60 % des cinémas actifs, jouent un rôle central. Ils attirent 38,6 % de la fréquentation totale, avec un prix moyen d’entrée plus bas (6,04 €) en raison de leur implantation dans des zones à faible coût d’exploitation. Ces salles, majoritairement situées dans des communes moyennes ou petites, séduisent particulièrement les inactifs, qui représentent 49,3 % de leur public. Toutefois, la fréquentation globale varie fortement selon les territoires, 17 départements concentrant plus de la moitié des entrées, tandis que d’autres zones rurales restent largement sous-desservies, avec une dominance des établissements Art et Essai.
Nous l’avons vu, la pandémie de la Covid-19 à partir de 2020 a eu un impact significatif sur l’exploitation des films dans des salles alors complètement fermées, privées de leur pilier central : les spectateurs. Une hausse de fréquentation est indéniable sur l’année 2023, si on la compare à l’année 2022, néanmoins, le niveau est toujours inférieur à la moyenne 2017-2019 (-21,1 %). Durant la Covid, le public s’est replié sur d’autres pratiques pour palier ce dérèglement de la culture, avec en tête les plateformes de streaming et de SVOD. Une étude de 2022 commandée à l’Ifop par l’Association française des cinémas d’art et essai (Afcae) nous apporte quelques éclairages et chiffres sur cette situation.8 2000 personnes âgées de 15 ans et plus ont été interrogées, parmi elles, 55 % des personnes interrogées se disent abonnées à une ou plusieurs offres de SVOD. 32 % des personnes abonnées à ces plateforme le sont depuis mars 2020 (soit le début du confinement) et 10 % depuis la fin du confinement. Les gens passent leur temps autrement, contraints pour beaucoup d’entre eux à rester chez eux en dehors des heures de travail.
En partant de ce constat, se pose la question de l’influence de la croissance positive de ces nouveaux modes de consommation avec la crainte sous-jacente qu’ils trustent à terme, le déplacement vers les salles obscures. Selon une étude publiée par Xerfi en janvier 2023 intitulée Les salles de cinéma, l’un des principaux facteurs influençant l’activité des exploitants de salles de cinéma est l’impact négatif durable des plateformes numériques sur le chiffre d’affaires du secteur. « La multiplication des plateformes numériques tend à imposer une plus forte concurrence aux exploitants. Les pure players de la SVOD proposent en effet désormais des contenus exclusifs et originaux, dont la qualité s’apparente de plus en plus à celle des œuvres projetées en salles. L’augmentation progressive des souscriptions [...] peut dès lors freiner la fréquentation des salles obscures. »9. Ajoutons que depuis la crise sanitaire, de nombreuses sociétés de production sortent en simultané leurs films sur les plateformes et au cinéma (ou alors en différé mais de peu), et dans cette perspective, les salles de cinéma perdent leur temporaire exclusivité sur une œuvre. Selon l’analyste Éric Marti, directeur général de Comscore France, « le déficit de titres qui auraient réalisé entre 500 000 et 1 million d’entrées et qui se retrouvent principalement sur les plateformes »10 explique en partie pourquoi nous ne retrouvons pas le niveau de fréquentation des salles avant la Covid. Au regard de ces choix nouveaux de la part des boites de production, le marché de la vidéo devrait continuer à croître, les plateformes comme Netflix et Disney+ proposant désormais des abonnements attractifs comprenant des publicités. Une fonctionnalité visionnage accéléré a même été envisagée, augmentant davantage la dimensions Une autre étude Ifop datée de 2022, mettait en évidence que 29 % des sondés allait moins au cinéma et 12 % n’y allaient plus. Le streaming offre un catalogue plus varié, est perçu comme plus rentable, et permet le « où je veux quand je veux ».
Ces pourcentages sont à relativiser maintenant que les chiffres de la fréquentation sont en hausse. Martin Barnier, historien du cinéma voit les choses autrement, « Ce n’est pas du tout la même chose d’avoir un film sur l’écran sur l’ordinateur et puis de le voir dans une salle de cinéma. Beaucoup de personnes sont attachées aux salles pour des raisons de confort et le fait que plein de gens regardent un film en même temps, sur le même écran. ».11 Nous voyons donc pour une partie assez importante de personnes les conditions dans lesquelles le film est vu importent, et on ne met souvent pas au même niveau une séance en salle et un visionnage chez soi, de plus l’un des deux est vu comme une occasion de sortie.
Dans l’objectif de reccueillir des informations davantage ciblées sur l’agglomération grenobloise, j’ai décidé de créer trois supports de communication qui mènent à un questionnaire détaillé sur les habitudes de consommations autour du cinéma. J’ai tenté de les inviter à répondre en créant une affiche, un flyer et un questionnaire papier disposés dans différents endroits de la ville, en l’occurrence des arrêts de tramway, des panneaux d’affichage, des poteaux et autres zones où se trouvaient déjà des affiches
(voir figure 1).
À travers ces créations graphiques, volontairement cryptiques, j’ai souhaité tester la capacité des individus à s’engager alors que l’information présente sur le support n’était pas immédiate. « Stop ! Dis-moi tout » dans un corps élevé et « sur ton expérience du cinéma » dans une échelle réduite.
Au delà d’avoir des réponses Cette expérimentation, qui a reccueilli 27 réponses à ce jour m’a permis de me questionner sur la visibilité des supports de communication dans l’espace public, et sur comment se différencier dans un espace saturé pour mettre en valeur des évènements plus mineurs et intimistes.
Le cinéma, comme les autres formes d’art, est traversé par des logiques de distinction sociale. La perception et l’évaluation des œuvres dépendent d’un habitus culturel12, c’est-à-dire une prédisposition acquise par l’individu à percevoir et juger les œuvres en fonction de son capital culturel et de son appartenance sociale. Ce dernier détermine en grande partie la manière dont une œuvre est reçue et positionne chacun dans une hiérarchie symbolique liée à son appartenance dans l’échiquier social. Émilien Astor souligne l’idée que « tout objet culturel, tout art est ainsi transcendé par des logiques sociales de distinction, par des tensions entourant la dimension légitimante ou non de telle consommation ; en bref la culture apparaît comme un vaste champ de bataille performatif au sein duquel les individus évoluent, se placent et revêtent leur habit de dominant ou de dominé »13, le cinéma n’échappe pas à ces dynamiques.
À partir de la seconde moitié du XXe siècle, une hiérarchie s’est consolidée dans le domaine cinématographique. Films « nobles » et œuvres « populaires » sont opposés selon des critères de légitimité, établis par les institutions et les critiques. Ces normes valorisent une esthétique sophistiquée et un « bon goût » souvent réservé à un public cultivé, reléguant les productions populaires, comme le cinéma bis ou d’exploitation, à une place marginale. Ces derniers, associés au « mauvais goût », défient ces cadres établis en explorant des thématiques et des esthétiques considérées comme non conformes et marginales.
La hiérarchisation des œuvres renforce les écarts sociaux en valorisant les productions exigeant un capital culturel élevé. La résultante est que seule la partie émergée de l’iceberg est diffusée, du fait de dynamiques économiques et des critères de légitimation. Cet ordre symbolique illustre la nature performative de la culture, où l’acte de consommer un type de cinéma devient une manière de signaler sa place dans le système social. Cependant, les genres dits illégitimes, englobés dans le cinéma bis, offrent une voie d’émancipation face aux conventions dominantes. En se libérant des contraintes de légitimité culturelle, ils interrogent les normes et ouvrent la voie à une autre manière de concevoir la création artistique, plus libre, déconnectée des logiques élitistes et expérimentale.
Aujourd’hui il est indéniable que le cinéma américain domine le globe. Hormis le cinéma américain et ses grosses productions, « il n’y a pour le moment aucun autre cinéma au monde qui arrive à dominer à la fois son propre marché et celui de très nombreux autres pays »14. En 2023, la part de marché des films américains représentait 42 %, ce qui montre une omniprésence écrasante que ce soit au cinéma, et dans les foyers. Netflix, Disney+, Amazon Prime, HBO sont des plateformes états-uniennes qui ont le monopole des abonnements, et l’hexagone ne fait pas exception. Dans le top 10 de nombre d’entrées au cinéma en 2023 pour la France, 7 d’entre eux sont américains ou en partie américains. Une preuve supplémentaire qu’il est un cinéma de masse, et populaire, complètement intégré dans le paysage audiovisuel. Pour autant, cela n’empêche pas le cinéma français de bien se porter, il représente 40,0 % des parts de marché.15
En 2022, un collectif de professionnels du cinéma, incluant des producteurs, réalisateurs et acteurs comme Saïd Ben Saïd, Carole Bouquet, Catherine Corsini et André Téchiné, a publié une tribune dans Le Monde pour exprimer sa préoccupation face à la montée du terme « image animée » au Centre National du Cinéma. Selon eux, cette terminologie marque un glissement qui menace l’identité du cinéma en tant qu’art distinct, risquant de le diluer dans une catégorie plus large et moins définie. Ils soulignent également que le plan « France 2030 », avec sa « grande fabrique de l’image », met davantage l’accent sur la production et la performance économique, reléguant la création artistique et les enjeux culturels au second plan. Ce phénomène, aggravé par l’essor des plateformes de streaming et la transformation du paysage audiovisuel après la pandémie, inquiète les signataires. Ils craignent une réduction du cinéma à une logique purement économique, éloignée de sa vocation artistique. Il serait de plus en plus perçu comme un produit de consommation comme tant d’autres, et le spectateur comme une sorte de « consommateur d’images ». Le CNC, à sa création, avait pour mission de préserver un équilibre entre art et industrie. S’en éloigner mettrait en péril la liberté de création et l’indépendance des auteurs, et risquerait de réduire le cinéma à un simple outil de divertissement commercial.
Historiquement, le cinéma a connu des formes multiples passant par le phénakistiscope, le zootrope, le kinétoscope jusqu’au cinématographe des frères Lumière, invention majeure de la fin du XIXe siècle qui reste encore aujourd’hui le dispositif qui monopolise le cinéma. Il en va de même pour la salle de cinéma, qui pendant longtemps a dominé les pratiques, avant que la télévision et autres écrans individuels n’arrivent. Pourtant, d’autres modèles furent explorés, sortant de la salle de cinéma.
En 1915, le premier drive-in ouvre à Las Cruces, au Nouveau-Mexique. C’est une façon nouvelle de visionner le cinéma, populaire et animée, en plein air, où des voitures se garent sur un parking pour visionner un film projeté sur un grand écran. Son succès s’explique par des tarifs comparables à ceux des cinémas traditionnels, ainsi que par la possibilité pour les familles de venir avec leurs enfants sans risquer de déranger les autres spectateurs. Néanmoins, les drive-in attirent une clientèle relativement profane, qui ne bénéficie pas forcément d’une forme de culture cinéphilique et qui recherche avant toute chose le divertissement et le sensationnel. Les conditions de projection sont variables en fonction du placement du véhicule, du confort du véhicule, du système son, luminosité, etc. Même si les voitures sont groupées, l’expérience est plus individuelle ou du moins concentrée sur des groupes restreints. Le drive-in fut également un tremplin pour la diffusion d’œuvres méconnues ou alternatives, comme des films d’exploitation. Ils subirent aussi une mauvaise réputation, car jugés immoraux du fait de l’étiquette
« passion pits », c’est-à-dire de « lieux de luxure », par les médias. En dépit de son caractère controversé, le drive in a perduré et existe encore, et reste une forme d’innovation, une première atteinte à la culture cinéphilique classique, qui valorise la salle de cinéma pour son confort et son silence pour réceptionner le film de manière optimale. C’est une réappropriation de la réception cinéphile, qui rompt l’habitus de la bienséance attendu dans une salle.
Le cinéma représente une grande diversité d’expériences, et cela est lié aux conditions dans lesquelles un film est projeté, une même œuvre ne peut être perçue de la même manière lorsqu’elle est présentée en IMAX ou regardée sur un smartphone dans le métro. En définitive, il existe autant d’expériences que de manières de regarder. Se pose alors la question du cadre : le système son, les assises, le dispositif de projection… Quelle immersion ces éléments permettent-ils d’offrir ? Tous les cinémas ne bénéficient pas des mêmes propositions en termes d’expériences, ce qui vient marquer une différence entre des cinémas plus modestes et des mégastructures comme celles des multiplexes. Cette recherche de différenciation marque une volonté de proposer des expériences nouvelles, toujours plus surprenantes, et ainsi d’attirer de nouveaux publics.
Les propositions de salles non conventionnelles grandissent, motivées par le besoin de renouvellement et celui d’attirer le public, largement habitué par les avantages du chez soi depuis l’avènement massif des plateformes de vidéo à la demande. C’est pourquoi chaque élément de la salle est repensé en vue de se singulariser par rapport aux concurrents. Par exemple, le Pathé Beaugrenelle propose un écran à 270°, le MK2 Nation des méridiennes deux places, et le Grand Rex des sièges inclinables avec des LEDs aux couleurs adaptatives. Ces innovations montrent une diversification de l’offre pour répondre à des attentes variées et transformer la séance de cinéma en un moment unique. Ces propositions premium prolifèrent depuis quelques années maintenant.
Pour rappel, 111 établissements sont équipés de salles premium en 2023. Nous pouvons citer les salles « ICE » (Immersive Cinema Experience), créées par le groupe CGR en 2016. Elles proposent des écrans de 16 à 18 mètres, légèrement incurvés, adaptés à tous les formats, dotés d’un revêtement spécifique pour améliorer la netteté des couleurs. Des LEDs sont synchronisées à l’image et au son, dans le but de créer des ambiances dynamiques. Le son est lui aussi augmenté, avec du Dolby Atmos/DTS :X/Auro 3D, et des effets localisés ajustés à la salle. Enfin, les sièges sont disposés en gradins, de sorte que chaque rangée est légèrement surélevée par rapport à celle qui la précède, assurant une visibilité optimale. Ici, on cherche à mettre le spectateur dans les meilleures conditions possibles de visionnage. En 2023, le tarif d’une place de cinéma en salle ICE était d’environ 16 euros à taux plein.
En France, la première salle 4DX s’ouvre au Pathé La Villette à Paris le 15 mars 2017. Cet équipement de haute technologie associe les mouvements des sièges montés sur vérins à des effets sensoriels spécifiques tels que le vent, la pluie, l’orage, le brouillard, la neige, la fumée, les odeurs et la lumière, en parfaite synchronisation avec les images du film à l’écran. Un cran supérieur dans la recherche d’immersion, mais qui a un prix. Prenons l’exemple du Pathé Gaumont de Rennes : la place pour une séance classique est de 16.40 €, ce qui représente plus du double du prix moyen d’une place en France (6.04 €). Si l’on ajoute l’option 4DX, à 8 €, la séance coûte alors 24.40 €, un tarif loin d’être accessible à toutes les bourses. Cela questionne la nécessité de payer un tel tarif, et si le jeu en vaut vraiment la chandelle. Le but de l’expérience du cinéma réside-t-il dans une immersion maximisée ? Au 28 février 2024, ce sont 45 salles 4DX qui ont ouvert dans le pays. Le nombre de salles premium est à relativiser car dérisoire comparé au nombre total d’écrans, mais témoigne d’une progression et d’une demande certaine (ou d’un besoin créé par l’industrie du cinéma).
L’art contemporain a, au fil du temps, démontré sa nature éminemment expérimentale, souvent en rupture avec les conventions établies. Parmi les innovations, les dispositifs de projection sont eux aussi sortis des cadres traditionnels, notamment à travers la notion d’« expanded cinema ». Ce concept, formulé pour la première fois par Gene Youngblood dans les années 1960-1970, désigne « un nouveau mouvement des années 1960-1970 qui englobe
différents supports médiatiques (ordinateur, vidéo, télévision), devenus par un acte
créateur, supports artistique. »16
Parmi les pionniers de ce mouvement, Stan Vanderbeek se distingue avec la création du Movie Drome (voir figure 1) en 1964-1965, un dispositif alors inédit pour l’époque. Son principe ? Un espace immersif et clos, conçu à partir de la structure supérieure d’un silo à grains. À l’intérieur, les spectateurs, allongés, contemplent des projections sur une surface hémisphérique en aluminium. Les contenus diffusés sont très divers : actualités, films d’animation, collages réalisés par Vanderbeek, dessins, diapositives issues de l’histoire de l’art ou de l’anthropologie, mais aussi des références à la publicité et à la culture populaire. Ce foisonnement visuel, où les images se superposent s’accompagnent de sons quadriphoniques et de jeux de lumière, produisant un effet de surcharge sensorielle. Pour ceux qui en font l’expérience, il s’agit d’une véritable immersion sensible.
Le but du Movie Drome est de proposer une œuvre singulière en bouleversant la posture habituelle du spectateur. Contrairement aux dispositifs traditionnels de projection, qui reposent sur une perspective monofocale, un cadre rectangulaire et une position assise dans des sièges normés, le Movie Drome réinvente les conditions de réception.
Être allongé, de manière inconfortable, exige du spectateur un effort d’attention accru, une forme d’implication intentionnelle. Le regard qui n’est plus fixé, explore l’espace, laissant davantage de libre arbitre, ce qui renforce la caractère personnel du visionnage. À travers le médium vidéo, Vanderbeek cherche ainsi à redéfinir les cadres dans lesquels les œuvres doivent être appréhendées. Le cinéma change ainsi de forme.
L’ambition du projet dépasse largement le cadre artistique. Vanderbeek rêvait de créer un véritable « langage universel de l’image », transcendant les barrières linguistiques et sémantiques, dans un contexte mondial marqué par de fortes tensions. Plus ambitieux encore, il imaginait un réseau de dômes interconnectés à travers le globe grâce à des satellites, permettant une diffusion synchronisée de contenus visuels et renforçant une idée d’harmonie et de cohésion entre les peuples.
Les finalités du Movie Drome sont multiples : questionner les dispositifs traditionnels de projection, s’émanciper des codes établis, innover à la croisée de l’art et de la technologie, tout en rapprochant les individus. Cette expérience collective, n’empêche pas la réflexion et l’exploration personnelle ; au contraire, elle engage débats et discussions. Chacun a vécu l’œuvre de Vanderbeek à sa manière, aidé par la forme inhabituelle de la projection. La surcharge sensorielle, loin de laisser indifférent, les contenus et l’architecture des lieux deviennent un point de départ à l’échange, marquant les esprits par leur intensité et leur singularité.
Certaines initiatives ne sont pas tournées vers l’innovation technologique et s’ancrent dans d’autres valeurs. L’un des autres axes fréquemment explorés est la médiation cinématographique, avec une attention particulière portée à l’accessibilité et à la diffusion itinérante. C’est dans cette perspective que s’inscrit le Sol Cinema (voir figure 2), un espace de projection nomade à l’approche humaine et durable souvent présenté comme « le plus petit cinéma du monde ». Construit en 2009 au Royaume-Uni par Jo Furlong, avec l’aide d’artistes tels qu’Ami et Beth Marsden ainsi que du réalisateur Paul O’Connor, ce projet réemploie une ancienne caravane, transformée grâce à des matériaux recyclés et alimentée exclusivement par l’énergie solaire. L’intérieur offre une expérience intime : huit sièges, un écran, un projecteur et un système sonore surround. La décoration mêle rayures rouges et dorées sur les murs et plafond peint, et dépasse la simple fonctionnalité pour créer une atmosphère immersive. À l’extérieur, l’habillage est fait de colonnes, d’un motif de briques et de l’inscription « Sol Cinema ». Lorsqu’il est implanté, un tapis est déroulé avec des barrières cordons. On ne cherche pas seulement la fonctionnalité, mais à rendre ce dispositif original et identifiable. Le Sol Cinema diffuse des œuvres rares ou amateurs, accessibles gratuitement grâce à un billet symbolique. Paul O’Connor, convaincu du pouvoir transformateur du média vidéo, voit dans le Sol Cinema un vecteur de changement social : en se déplaçant de lieu en lieu, il favorise l’accès, provoque des échanges et fait découvrir des créations souvent méconnues. Les métrages sont montrés en festival de musique, de cinéma, d’artistes, en ville, dans des écoles. L’initiative se place comme médiateur de la culture et d’éducation. Parfois, les réalisateur.ices interviennent, affirmant la dimension de dialogue. En intervenant aussi bien en intérieur qu’en extérieur, la caravane a traversé tout le pays, et même atteint les Balkans. Grâce à sa mobilité, elle permet de projeter des films dans des lieux inattendus « we can go in the middle of a forest and show screenings »17, rendant ainsi le cinéma accessible à tous, partout.
À l’occasion de l’ouverture de Paris Plage 2020, la mairie de Paris, en collaboration avec MK2, ouvre « Boat-in », un cinéma sur l’eau dans le respect des règles sanitaires et environnementales (voir figure 3). Pour l’occasion, une flotte de 38 bateaux électriques pouvant accueillir entre 2, 4 et 6 personnes (d’une même famille ou groupe d’amis) était mise à disposition pour la projection du film de Gilles Lellouche Le Grand Bain, diffusé sur un écran LED de 16x9m. Par ailleurs, 150 transats avec casques audio étaient disponibles pour assister gratuitement à cette séance depuis les berges.
Cela illustre une fois de plus le rôle fédérateur du cinéma, qui n’a pas nécessairement besoin d’être visionné dans des conditions pré-établies, comme celles d’une salle. Alors que les conditions ne le permettaient a priori pas, une projection de film a permis de rassembler les citoyens, un moyen de se retrouver et de renouer un lien avec autrui dans une période marquée par la distanciation sociale.
La même année, dans un contexte similaire, le cinéma La Clef, lieu associatif emblématique de la capitale organisait chaque semaine des projections sur son toit, destinées au voisinage proche (voir figure 4). Cette initiative symbolisait la volonté de ses membres de continuer à exister et à tisser des liens communautaires, alors même que le lieu faisait face à une procédure judiciaire menaçant l’expulsion de ses occupants.
La piscine Pontoise à Paris propose de temps à autre des séances « Aqua-ciné » où les spectateurs sont dans des bouées, des sièges flottants et peuvent utiliser des frites. Dans ce même cinéma les spectateurs dans des barques pouvaient assister à l’avant première du film « L’Odyssée de Pi ». En 2013, le film « Epic – La Bataille du Royaume Secret » était diffusé perché dans les arbres pour vivre les sensations du film au maximum, grâce à une toile tendue et des coussins (voir figure 5). En 2018, Alamo Drafthouse organisait une séance du film « Les Dents de la Mer », dans des bouées sur la surface d’un lac texan, de quoi se mettre dans les conditions du film, se passant principalement dans l’eau (voir figure 6).
Le cinéma a donc une capacité manifeste à se mettre en mouvement et à ne pas être prisonnier de ses incarnations d’usage : il est adaptable, peut changer de forme, de lieu, et être le vecteur d’expériences mémorables qui dépassent la simple consommation passive d’un film. Ce mouvement ne se limite pas à des innovations technologiques ou des spectacles visuels inédits, il s’appuie aussi sur des valeurs d’accessibilité, de médiation culturelle et d’interaction sociale. Le cinéma peut s’inscrire dans des espaces inhabituels pour rassembler des spectateurs, souvent dans des contextes où les infrastructures classiques sont limitées ou inaccessibles. Certaines expériences vont plus loin dans l’immersion, en jouant sur l’environnement et l’interaction avec le cadre de projection, on transforme la simple projection en une activité ludique et collective. D’autres initiatives visent à offrir une expérience augmentée, enrichie, en concevant le dispositif de manière à s’aligner sur l’univers du film, (décors naturels, ou déjà existants comme des infrastructures n’étant pas des cinémas à l’origine) afin de plonger le public encore plus profondément dans l’immersion. En définitive, le cinéma n’est pas une forge figée, immuable, c’est un média, un art à part entière. Qu’il soit flottant, itinérant, ou perché, il redéfinit les modes de consommation culturelle, en réaffirmant son rôle de lien social, éducatif, ludique, tout en s’adaptant aux réalités et besoins contemporains. On brise les conventions classiques associées à la projection en salle en déplaçant l’acte de regarder un film vers des contextes inédits, en interaction avec l’environnement ou mettant l’accent sur la proximité humaine. Il ne s’agit plus seulement de consommer un film, mais de vivre un moment unique au moyen d’un cinéma transformé en évènement culturel, social et sensoriel.
Nous venons d’explorer le pan dispositif du cinéma, et empiriquement il en ressort une inclination des initiateurs pour une socialisation des spectateurs, qui ne se contentent plus d’être des regardants mais des acteurs de leur séance.
D’un point de vue historique, les cinémas de quartier incarnent une facette essentielle de la culture cinématographique. Encore aujourd’hui, leur volonté de proximité et d’accessibilité continue de séduire un large public pour de multiples raisons. Premièrement, ce sont souvent des établissements qui, dans la majorité des cas, sont des cinémas art et essai ; leur programmation se distingue des multiplex, plus habitués aux blockbusters et succès du box-office. Ils proposent des films plus en marge, allant des classiques du patrimoine cinématographique aux films indépendants et d’auteur. Ces salles représentent une scène alternative : elles sont plus éclectiques, plus audacieuses (films indépendants, documentaires, cinéma bis, films d’auteur, film de genre). Cette diversité, qui constitue une réelle prise de risque, attire un public curieux, en quête d’œuvres moins diffusées ou exigeantes. Leur programmation est souvent enrichie par la présence de ciné-clubs, renforçant l’aspect participatif et culturel de ces lieux. Ceux qui fréquentent les cinémas de quartier le font par proximité géographique, par habitudes, par intérêt pour la programmation, pour les tarifs inférieurs à la concurrence (donc plus accessibles), pour les jauges réduites ou encore par volonté de soutenir ces structures plus fragiles. L’ambiance y est également souvent plus conviviale, ce qui séduit un public en quête d’une expérience différente.
Beaucoup de cinémas de quartier fonctionnent aujourd’hui grâce à des associations ou des coopératives. Ces structures permettent de maintenir ces lieux en vie malgré les défis économiques, en s’appuyant sur des bénévoles, des passionnés et des subventions publiques ou privées. L’année 2024 l’a encore prouvé avec la récente polémique des cartes UGC illimitées, qui démontre la fragilité de ce modèle : la moitié des entrées réalisées proviennent d’abonnements en partenariat avec le mastodonte de l’audiovisuel. Ces initiatives collectives contribuent à préserver l’indépendance des cinémas, qui deviennent alors des espaces où la culture prime sur la rentabilité. Cela démontre un besoin d’indépendance, de différenciation, d’aller dans des espaces où le but premier n’est pas le profit. Les spectateurs cherchent parfois autre chose que de simplement voir un film : soutenir ces cinémas devient un acte militant. Pour certains, le confort et l’innovation importent moins que la programmation et le lieu, perçus comme plus authentiques et plus ancrés dans réalités concrètes (sociales, économiques, associatives).
C’est dans cet esprit d’indépendance que naissent des initiatives associatives, qui se démarquent des modèles dominants et qui utilisent le cinéma comme un outil d’action sociale. Ce dernier devient alors un point de départ, un prétexte pour engager un dialogue et tisser des liens. L’association À Bientôt J’espère, basée en Isère et fondée par Cyril Hugonnet et Loïc Cloez, réinvente le rôle du cinéma dans chaque lieu qu’elle investit. Elle transforme des espaces profanes, souvent éloignés des sphères culturelles classiques, en lieux de projection uniques où la rencontre entre habitants occupe une place centrale. Cette démarche mêle approche sociale, esthétique et culturelle. En choisissant avec soin les espaces, en les aménageant pour favoriser une expérience immersive, l’association cherche à décloisonner l’accès à la culture à travers la médiation et la mise en valeur d’une expérience alternative.
À Bientôt J’espère, dans mouvement perpétuel de médiation a pour vocation « de prolonger la vie des films documentaires après leur passage en festival ou leur sortie en salle »18 en allant à la rencontre des publics divers, là où ils sont implantés, c’est-à-dire là où ils vivent, travaillent et se retrouvent, pour leur proposer un cinéma autre, qui questionne le monde.
Le principe des événements organisés par À Bientôt J’espère repose sur des projections-discussions, dans des lieux du quotidien réinventés temporairement : maisons de quartier, bars, campings, hôtels, caravanes, ou structures sociales. Plus insolite, ils explorent même des lieux plus éloignés d’activités humaines classiques, comme le musée Arcabas à Saint-Pierre-de-Chartreuse ou une étable à Presles, dans le Sud Grésivaudan (voir figure 7). Ici, le cinéma s’affranchit des espaces urbains densément peuplés ou des infrastructures traditionnelles, pour s’implanter dans des endroits plus reculés, isolés. Ces zones ne bénéficient pas forcément d’infrastructures culturelles, de fait, subissent des inégalités. Ici, c’est le cinéma qui se déplace vers son public.
Par la transformation des lieux, À Bientôt J’espère démontre sa capacité à réinventer la salle de cinéma, et le désaxe du simple dispositif en montrant son adaptabilité et sa faculté à pouvoir vivre/s’incarner partout.
De plus, les films sont choisit en en fonction des problématiques propres aux structures qui accueillent l’évènement. En choisissant des problématiques, notamment sociales qui peuvent traverser les habitants, on crée les conditions d’une revitalisation sociale, d’un dialogue, d’un débat pertinent en lien avec le film venant d’être diffusé.
L’approche de À Bientôt J’espère se veut accessible et pragmatique. Elle privilégie des installations à taille humaine, des jauges réduites, et des tarifs libres lorsqu’ils sont possibles, afin de ne pas ériger de barrières financières. Si l’innovation ou le spectaculaire ne sont pas recherchés à tout prix, la qualité technique des projections et le confort des spectateurs restent des priorités, un soin réel est apporté. Exemple en octobre 2024, avec « Le Monde Au Coin De La Rue » qui s’est déroulé à la la Maison des Habitants du Centre-ville à Grenoble (voir figure 8). L’espace, totalement métamorphosé, était pensé pour être identifié comme un véritable cinéma, accueillant, accessible et comme un lieu alternatif, de quoi attirer la curiosité grâce à son apparence hybride. Un projecteur extérieur affichait le nom de l’événement, un tapis rouge ornait l’entrée, des affiches illuminées informaient de la programmation. Un jardin aménagé (assiettes, tables, guirlandes) accueillait les spectateurs avant la séance avec buvette, stands, les personnes présentes parlaient, rigolaient dans une atmosphère conviviale. À l’intérieur, des toiles noires masquaient les murs, créant une immersion totale. Les assises étaient hétérogènes : transats, fauteuils, chaises, strapontins. L’espace polyvalent intégrait un mini-bar et une table dédiée aux discussions post-projection, de quoi prolonger l’expérience du film.
L’association met en avant des moments simples mais fédérateurs, partager un repas, discuter, dans une ambiance conviviale et chaleureuse, chaque participant est considéré de la même manière. Dialoguer est également une manière de s’armer d’outils critiques, de prendre du recul, d’ouvrir ensemble une fenêtre sur le monde (de s’ouvrir aux autres et aux enjeux de société) et in fine de s’enrichir. Nous pourrions imaginer que ces évènements sont des rendez-vous, des manières de se retrouver pour certains. Elle invite à repenser le cinéma non comme une simple séance, la consommation d’un film, mais comme un outil de médiation, d’action sociale et de fédération. Repas, petits-déjeuners, buvettes, débats, ateliers, chaque événement devient un espace où la légitimité ou l’illégitimité culturelle n’ont plus lieu d’être.
La démarche n’est pas de reproduire une salle de cinéma à l’identique mais se trouve bel et bien ailleurs. Enfin, en s’inscrivant dans une logique associative détachée d’un objectif purement lucratif, À Bientôt J’espère reste authentique, participants et bénévoles mobilisés contribuent à la création d’autres évènements et perpétuent ce dialogue autour d’une vision partagée. En facilitant l’accès au cinéma et en éveillant la curiosité, en s’efforçant d’éviter des hiérarchisations sociales, on aide à dépasser la conception limitante du « ce n’est pas pour moi ».
Le ciné-club, autrement dit un rassemblement d’amateurs de cinéma, est une institution culturelle et sociale qui, depuis son origine, s’est développée avec des objectifs multiples : éducatif, militant, communautaire et artistique. Fonctionnant sur le modèle de la « présentation, projection, discussion », sa particularité réside dans le rassemblement de membres partageant des intérêts communs, qui détermineront à la fois la programmation du ciné-club et les thématiques des discussions qui s’y dérouleront.
Les ciné-clubs sont nés au début du XXe siècle en France, portés par des figures comme Louis Delluc et Riccardo Canudo. Leur objectif initial était de défendre le cinéma comme un art face à sa perception réductrice de simple divertissement populaire.
« Dès le début, les ciné-clubs apparaissent comme une forme de combat et de résistance. Une première bataille consiste à faire reconnaître le cinéma comme un art »19. Ces clubs organisaient des projections suivies de débats – souvent autour d’œuvres de qualité ou controversées, comme Le Cuirassé Potemkine. Ils étaient aussi des espaces de résistance culturelle et politique, contournant la censure pour diffuser des œuvres interdites. Après la Seconde Guerre mondiale, les ciné-clubs ont connu une expansion rapide. Soutenus par des organisations comme la Fédération Française des Ciné-Clubs (FFCC) et des groupes religieux ou laïques, ils regroupaient des centaines de milliers de membres. Ils servaient à éduquer le public au cinéma en sensibilisant à l’esthétique, à la critique et aux débats politiques. Le rôle éducatif était central, structuré par des méthodologies comme celle de Peuple et Culture. Les années 1960-70 ont marqué une politisation des ciné-clubs. Le mouvement s’est orienté vers la contestation sociale, soutenu par des groupes militants de gauche. Les projections devenaient des outils de mobilisation, souvent axés sur des problématiques agricoles, sociales ou régionales. À partir des années 1980, avec la montée de la télévision et la disparition progressive des ciné-clubs traditionnels, les activités se sont institutionnalisées. Les ciné-clubs ont été intégrés dans des structures locales comme les Maisons de la Culture et liés à des festivals ou initiatives éducatives. « Après 1981 beaucoup de ciné-clubs et cinémas itinérants disparaissent dus à l’inconfort des projections (bruyant, mal assis) et l’hégémonie et l’omniprésence de la télévision comme véhicule de cinéma commercial ou même la présence de salles d’art et d’essai bien équipées qui existent parfois dans les petites villes. »20
Le ciné-club repose sur une dynamique de projection suivie d’une discussion collective, qui stimule la réflexion critique, l’éducation à l’image et le débat sur des enjeux artistiques, sociaux ou politiques. L’objectif est d’initier les spectateurs à l’histoire et aux techniques du cinéma, tout en encourageant une compréhension plus fine des œuvres en étudiant leur contexte, leur esthétique et leur narration. Les ciné-clubs jouent un rôle de médiateurs en rendant accessibles des œuvres souvent absentes du circuit commercial. Ils permettent une rencontre entre les artistes et le public. Dans leurs périodes militantes, les ciné-clubs étaient des plateformes pour la critique sociale. En milieu rural ou urbain, ils sensibilisaient aux problématiques locales et globales, souvent en marge des structures officielles. Le ciné-club favorise également la création de communautés autour d’intérêts communs. Ces cercles, à la fois locaux et parfois globaux, permettent d’échanger, de partager et de réfléchir collectivement. Le spectateur s’extirpe ainsi de sa condition de consommateur, en réaffirmant sa capacité à être critique, à prendre du recul et à comprendre les tenants et aboutissants d’une œuvre de cinéma. Néanmoins, les défis du XXIe siècle, incluant la concurrence des plateformes de streaming et l’hégémonie de la culture commerciale remettent en cause ce statut. En s’implantant ailleurs que des espaces traditionnels, des initiatives comme celles de À Bientôt J’espère récréent des lieux qui furent autrefois fondamentaux pour la critique, l’éducation et le regroupement social.
Le cinéma bis, un phénomène apparu dans la seconde moitié du XXe siècle, se distingue sa volonté de rupture et son ancrage en marge du cinéma dominé par les conventions hollywoodiennes, d’un cinéma que nous pourrions nommer comme classique. Ce appellation, inventée à posteriori, englobe une myriade de genres, de mouvements, de curiosités et de propositions cinématographiques qui, volontairement ou non, s’écartent des codes établis, d’une lecture et d’une formalité filmique héritée des débuts du XXe siècle. Le terme est englobant, et caractérise une entité contre-culturelle qui n’est pas homogène. « La notion de cinéma bis n’est une création ni des auteurs de films au sens le plus large, ni du public, mais des critiques, journalistes et historiens du cinéma de l’époque ainsi que de certains ultra cinéphiles ».21
Depuis les années 1950, le cinéma dominant, notamment celui issu des États-Unis, s’est construit autour d’un modèle de hiérarchisation opposant le « cinéma principal » à un « cinéma secondaire », notamment au regard des systèmes d’exploitation. Dès lors, le cinéma bis est perçu comme une anomalie ou une déviance par rapport à un modèle classique. Le terme de « bis » lui-même, est connoté péjorativement car l’assujettissant à un cinéma de seconde zone, par rapport à un cinéma légitime et mis en avant.
Le cinéma bis « regroupe des genres, films, réalisateurs « déviants » car produisant un cinéma autre, différent, mauvais ou expérimental »22 et s’affirme comme un terrain d’expérimentation et de transgression. Faisant fi du carcan de la bienséance et des critiques, il se démarque par son approche sans complexes, non dogmatique, voire outrancière. L’un de ses pans les plus notables reste le cinéma d’exploitation, qui pousse à leur paroxysme le mauvais goût et la recherche d’un succès rapide sans trop d’efforts (Bruceploitation23, films de cannibals, Nazisploitation24, Sexploitation, films de monstres, de ninjas, etc). Ses pires incarnations sont regroupées sous le nom « nanar », des métrages particulièrement médiocres que l’on prend plaisir à regarder ou à aller voir, soit pour s’en moquer, soit pour en apprécier, avec un certain second degré, un plaisir parfois teinté de culpabilité. Selon Nanarland, experts de la question le nanar est « un navet tellement navet que ça en devient un dessert »25. D’autres genres, comme le Giallo26 et le Western Spaghetti27 sont aujourd’hui largement plébiscités et reconnus, nombreux sont les réalisateur.ices de renom qui les citent parmi leurs influences. Reste que « le cinéma bis n’est pas un genre (comme l’est le western et le péplum) […] Il ne s’agit pas non plus d’un courant artistique national ou même international. »28. Dans ce cadre, se côtoient chef d’œuvres et navets spectaculaires, témoignant d’une absence totale de contrainte normative et d’une liberté créative d’exception face à des critiques peu élogieuses venant des instances du bon goût.
D’un point de vue historique, le cinéma bis naît d’une tradition américaine d’exploitation hiérarchisante : les doubles programmes. Durant les années 1950, les cinémas de quartier proposaient deux films pour un même billet : un film principal (série A), accompagné d’un film secondaire (série B), souvent conçu avec un budget réduit, un casting peu connu, un scénario simplifié, un genre prédéfini et des archétypes très marqués. L’essence même de la série B se trouvait dans son absence de prétention, jouant le rôle de film secondaire destiné uniquement à mettre en avant le film principal. Ce modèle s’est peu à peu étiolé face à l’essor de la télévision dans les années 1960, conduisant à l’invisibilisation des films de série B, déjà peu considérés. Ceux-ci trouvèrent refuge dans des cinémas de quartier indépendants spécialisés, et dans des chaînes de télévision spécialisées diffusant ces œuvres à des horaires de faible audience. Ce phénomène contribuera grandement à une forme de nouvelle cinéphilie héritée de la télévision.
Les années 1970 marquent une période faste pour le cinéma bis. En marge des circuits traditionnels, de nouvelles pratiques spectatrices émergent ou se développent : les drive-in deviennent un lieu privilégié pour de jeunes spectateurs amateurs de films d’exploitation, érotiques ou pornographiques ; les cinémas de quartier deviennent des phénomènes qui jouissent d’une renommée underground grâce à des séances nocturnes appelées Midnight Movies, qui offraient des tribunes à des réalisateurs tels que David Lynch, Alejandro Jodorowsky ou John Waters désormais cultes ; les magazines cinéphiles comme Midi-Minuit Fantastique (publié par Eric Losfeld jusqu’en 1972) ou Mad Movies (d’abord un fanzine, créé par Jean-Pierre Putters en 1972) en France participent à l’essor d’une cinéphilie spécialisée, dédiée aux genres fantastiques, horrifiques ou expérimentaux. Toujours est il que l’hexagone demeura peu touché par le cinéma bis, s’expliquant par le monopole des films d’auteurs découlant de la Nouvelle Vague.
Avec l’arrivée des VHS dans les années 1980 et 1990, suivie par le DVD, le cinéma bis trouve une nouvelle audience. Ces supports offrent une autonomie jamais vue aux spectateurs, leur permettant de s’émanciper de l’hégémonie des salles obscures et de choisir eux-mêmes le œuvres qu’ils voulaient regarder, ce qui marqua un tournant majeur dans la réception des films avec les prémices d’une réception générationnelle et émotionnelle.
Le bis incarne une rébellion contre la hiérarchisation imposée par le cinéma classique. Souvent considéré comme un « sous-cinéma », il s’affranchit de cette subordination pour devenir un lieu de création généreux, sans contraintes et jusqu’au-boutiste. C’est par ce paradigme émancipé et des pratiques nouvelles que des esthétiques hors normes et subversives ont pu éclore. Le cinéma bis, dont les œuvres appartiennent maintenant au passé demeurera un espace hybride, polymorphe qui aura bouleversé l’habitus culturel du cinéma face à un modèle dominant. Si son essence marginale persiste, son influence sur la culture cinématographique et populaire contemporaine est incontestable. Ce paracinéma* s’inscrit dans un prisme alternatif pour appréhender le 7e art et ses expériences.
De nos jours, nombreux sont les évènements qui célèbrent cette culture à part, en France et en francophonie et participent à sa réhabilitation « le principe c’est de partager, pas spécialement de transmettre ou d’entretenir une forme d’élitisme mais d’ouvrir au plus grand nombre cette culture cinématographique qui est restée marginale et qui mériterait d’être montrée »29
Quelques exemples : L’Étrange Festival depuis 1993 au Forum des Images à Paris ; La Nuit Nanarland, précédemment appelée Nuit excentrique, au Grand Rex à Paris par Nanarland ; Les Étranges Nuits du Cinéma, par 2300 Plan 9 se déroulant à La Chaux-de-Fonds, en Suisse depuis 2000 ; Le Maudit Festival, à Grenoble, au Cinéma Juliet Berto fondé par l’association Terreur Nocturne en 2009.
En 2025, un métrage détenant le record de la plus longue exploitation en salle de l’histoire du cinéma et rentrant dans l’étiquette « bis » fêtera ses 50 ans. Réalisé par Jim Sharman en 1975, The Rocky Horror Picture Show. Plus de 40 ans après sa première projection, il figure encore à l’affiche dans de nombreuses salles à travers le monde, dont le Studio Galande à Paris. The Rocky Horror Picture Show reste aujourd’hui le midnight movie le plus célèbre, il est un exemple unique et saisissant de la capacité des spectateurs à interagir et à s’approprier une œuvre. Lors de sa sortie, il joua un rôle central dans l’émergence d’une cinéphilie nouvelle, fétichiste basée sur des films de cinéma bis, bizarres et libres. « les séances devenant de réelles attractions où les spectateurs venaient déguisés et travestis, rompant ainsi avec toute bienséance »30. Le film deviendra rapidement un spectacle vivant, un espace de liberté et d’expérimentation, où on était invité à venir sans complexes, pour se déguiser, danser et vivre une expérience collective et unique avec les autres (voir figure 9). Daria, membre de la troupe lyonnaise The Deadly Stings m’expliquait lors d’un entretien le principe des représentations scéniques de ce film « On cherche à faire rire, à proposer aux gens un espace où ils peuvent être un peu eux-mêmes, un peu bizarre, sans forcément parler de communauté queer ou quoi que ce soit, juste bizarre et différent ». À l’origine un flop commercial, le film rencontra un succès grandissant grâce à son exploitation dans des salles spécialisées où il trouva un nouveau public, composé de fans passionnés qui se s’approprièrent l’œuvre, dont la fidélité n’avait jamais été observée dans l’histoire du cinéma. Ce film est l’incarnation que le cinéma ne se limite pas à s’asseoir dans un siège et repartir, il est une façon de faire communion avec les autres, et c’est comparativement à un cinéma dit plus classique, le bis par sa substance libérée et expérimentale permet.
En 1981, le film Polyester de John Waters introduit l’Odorama un procédé qui invite le spectateur à une expérience sensorielle en parallèle de la projection du film avec des stimuli olfactifs. Chaque spectateur recevait une carte à gratter numérotée avec dix zones correspondant à des moments spécifiques du film (voir figure 10).Lorsque le numéro apparaissait à l’écran, le spectateur grattait la zone correspondante pour sentir une odeur. Ce dispositif, franchement modeste, s’inscrivait avec brio dans l’humour outrancier et provocateur de John Waters. Ce gag sensoriel était une extension du film et permettait de provoquer des réactions, on se limite plus à l’audio et à l’image, un nouveau sens est engagé. L’Odorama crée une interaction entre le spectateur et le film, il exploite le sens olfactif pour provoquer, choquer ou faire rire.
Le cinéma bis, en tant que cinéma marginal, est une porte d’entrée idéale pour découvrir des œuvres qui ne laissent rarement indifférent. Ce cinéma interroge, bouscule et crée des émotions brutes, qui forcent le spectateur à se positionner face à ce qu’il voit. A l’instar du cinéma dans son ensemble, il est un terrain fertile à réactions diverses : rire, choc, enthousiasme, colère, malaise, appréciation esthétique, mais en poussant le curseur encore plus loin, ce qui fait de chaque visionnage une expérience singulière. Cette sortie de la norme pousse à l’engagement, à débattre et à discuter autour de ce qui vient d’être vu, tant cela était unique à sa manière. Ce terrain de jeu, où des thèmes marginaux ou controversés sont abordés, interroge la norme et les valeurs de la société. Au-delà de son contenu, le cinéma bis fédère des communautés de passionnés, comme nulle part. Il est un espace de découverte et d’échange unique en son genre.
L’identité du cinéma ne se limite pas à l’écran : elle s’étend bien au-delà des films eux-mêmes, notamment à travers leurs outils de communication. Le cinéma bis illustre parfaitement cette dynamique au travers de ses affiches grâce à son extravagance et à ses choix esthétiques radicaux.
Rappelons que « l’affiche est une image publicitaire, entre expression artistique et logique commerciale. »31, et que par conséquent elle se doit d’être impactante afin de ramener le spectateur en salle obscure.
Les affiches de cinéma bis souvent peintes ou dessinées, se distinguent par leur caractère spectaculaire, avec des visuels dans la surenchère, tape-à-l’œil, dans l’objectif de choquer ou capter l’attention du spectateur, les enjeux concurrentiels étant grands . On rejette le réalisme, l’imaginaire passe avant tout. Ces affiches mettent en avant des éléments sensationnalistes : monstres grotesques, héros musclés, séductrices fatales dans des poses dramatiques, femmes dénudées, effusions de sang, explosions ou créatures étranges. Ces images, parfois plus suggestives que le film lui-même, visaient à séduire un public en quête de sensations fortes, on recherchait le choc graphique.
« le développement du cinéma d’exploitation à permis une production en masse, faite d’expérimentations en tout genre »32. Les typographies sont souvent surdimensionnées, inclinées ou stylisées pour accentuer l’intensité ou l’action, en lien avec la thématique et le genre du film (exemple : titres rouges dégoulinants pour l’horreur). Les titres eux aussi sont destinés à être impactants, frisant parfois l’absurde, toujours pour gagner l’intérêt du spectateur (ex : Le bras armé de Wang Yu contre la guillotine volante ; Massacre à la tronçonneuse). Les affiches n’hésitent pas à exagérer les aspects les plus choquants du film, quitte à embellir la réalité (voir figure 11).
Les posterbooks Video Pizza par Rockypapers (voir figure 12), réactivent un imaginaire émotionnel et générationnel lié à des époques charnières de la culture populaire, comme les vidéoclubs et les soirées VHS (années 80 et 90). Video Pizza est un objet hybride, à mi chemin entre le magazine et l’esthétique d’une VHS. Sa lecture est sensorielle, renvoie à des codes familiers : sticker du prix, texture vieillie simulant une VHS usée, slogans accrocheurs (« loue moi ce soir ! » ; « affiche à l’intérieur »), logos multiples. Tous ces éléments sont des rappels directs à des gestes et des habitudes familières pour certaines générations. L’ensemble du traitement graphique, volontairement expressif et expérimental tend à évoquer un travail manuel, inscrit dans l’esprit Do It Yourself, rappelant la pratique du fanzine (en France, Darkness et Ciné Zine Zone par exemple), un média largement utilisé dans les sphères des passionnés de cinéma bis dans les années 70 et 80, à une époque où le numérique ne s’était pas encore imposé. On ne recherche pas la fonctionnalité, plutôt une forme d’affect. Ces choix maximalistes s’accordent avec l’esprit audacieux du cinéma bis et renforcent la cohérence d’une identité propre, qui se distingue d’un cinéma plus traditionnel. Jean Granon, à l’origine de ce travail, ne vise pas uniquement des spectateurs nostalgiques, il propose aux nouvelles générations une synthèse immersive d’une époque donnée par la réactualisation des codes visuels du passé avec des outils de création modernes. Il valorise des styles oubliés, et ancre le projet dans des références historiques crédibles. Ce travail, bien qu’étant une parodie/hommage second degré de supports emblématiques, vise une forme d’authenticité dans ses choix graphiques et sa volonté de réveiller des souvenirs, de cultiver un lien affectif avec le cinéma.
De son côté, Félicité Landrivon, graphiste et illustratrice, s’inscrit dans une démarche qui mêle accessibilité et engagement. Issue à l’origine de la scène underground lyonnaise et aujourd’hui basée à Marseille, elle revendique avec ferveur ses influences : cultures alternatives, musique punk, fanzines, typographies oubliées. Travaillant principalement pour des événements indépendants et autour du social, elle privilégie des techniques d’impression abordables comme la risographie et la sérigraphie, qui s’inscrivent dans des logiques de baisses de coût et respect de l’environnement. Ces partis-pris correspondent à l’esprit Do It Yourself et permettent de s’adresser librement et à moindre coût à un maximum de personnes.
Félicité Landrivon a pendant longtemps collaboré avec le collectif Météorites, une association lyonnaise dédiée à la diffusion de films documentaires et expérimentaux méconnus dans des lieux atypiques (églises, souterrains, piscines, etc) qui allait au-delà de la diffusion d’un film. Ils proposaient à l’instar de À Bientôt J’espère, des discussions, des repas, des ateliers avec comme dessein le rapprochement social. Pour le programme Hiver/Printemps 2019, par exemple, Landrivon mixe dans sa conception graphique accessibilité (la lisibilité et l’immédiateté de l’information entre autres) et esprit underground (illustrations, non respect de certaines règles de design graphique, imperfection volontaire par les décalages de couches de couleurs) (voir figure 13).
En complément, Brigade Cynophile (le pseudonyme de Landrivon) concevait des affiches uniques pour chaque film de la programmation, pensées comme des objets en édition limitée. D’abord exposées dans l’espace public avant d’être vendues durant les événements, elles servaient de soutien financier pour le collectif, et de souvenir pour les spectateurs. Ici le graphiste est une extension de l’association, il trouve des solutions de communication efficaces, économiques qui reflètent la nature de l’évènement et facilite à son identification par rapport à d’autres.
J’ai organisé, dans le cadre de ma troisième année de DN-MADe mention graphisme, un atelier affiche autour du cinéma bis. La première phase de ce travail a consisté à recueillir une grande variété d’affiches, de plein de genres différents, tous regroupés sous la bannière bis. J’ai ensuite analysé ces affiches pour isoler les éléments les plus marquants et les regrouper en catégories : monstres, femmes, héros et gladiateurs, armes, mains et yeux, titres, Asie, orient, bagarre, décors.
Une fois les éléments sélectionnés, imprimés et découpés, j’ai invité chaque personne qui voulait se prêter à ce jeu à utiliser ces fragments pour concevoir sa propre affiche de cinéma bis, le tout sur un format A4 ou A5. Le but ? Recréer de nouvelles affiches à partir de fragments d’autres, mélanger les genres, les personnages, les styles d’illustration pour un rendu décalé et absurde. Cette approche reflète l’esprit du cinéma bis, qui est non dogmatique et n’a pas peur des hybridations. Le résultat final ? Des créations surprenantes, saugrenues, aux titres de films extravagants qui donnent envie de les voir prendre vie à l’écran (voir figure 14).
Le designer ne se suffit jamais à lui-même. Son travail s’inscrit en écho avec les préoccupations contemporaines et les nouveaux enjeux qui émergent. Dans le cadre d’évènements alternatifs, son rôle apparaît comme indispensable. Il permet d’accompagner ces manifestations tout en répondant aux besoins des usagers qui y participent. Par ses compétences, multi-fonctionnelles, il adapte ses solutions à une situation donnée. Dans le cadre d’une expérience alternative du cinéma, nombreuses peuvent être les solutions pour le rendre plus engageant. Le designer est capable d’épauler des associations et collectifs en concevant des outils adaptés à leurs besoins et ambitions, en l’occurrence, rapprocher les individus et leur donner le moyen de vivre une expérience allant au-delà d’un visionnage seul. Cela peut passer par la création de supports didactiques qui transmettent des informations (sur l’évènement, sur un film) ou aident chacun à mieux s’approprier un lieu ou un espace. Des supports de communication adaptés peuvent aider l’usager à se sentir inclus, à l’aise et en clin à participer, en convoquant par exemple des esthétiques et des codes particuliers (Do It Yourself, nostalgie). De plus, une identité alternative identifiable aide à la différenciation par rapport à des évènements plus importants et plus normés. Le designer devient facilitateur, guide et soutient un groupe de personnes dans l’atteinte de ses objectifs, c’est-à-dire interagir, découvrir des œuvres autres, il crée les conditions d’un environnement favorable à la communication et à la collaboration
Le designer est capable de mettre en place des ateliers collaboratifs, inclusifs qui poussent les individus à participer et devenir acteur de l’évènement. Cela pourrait s’articuler autour d’une grande thématique, comme celle d’un genre de cinéma par exemple. Aussi, il pourrait aider à concevoir des univers plus immersifs, toujours en rapport avec la thématique de l’évènement. Au-delà de l’aspect participatif, le designer agit comme un médiateur essentiel entre les idées, les lieux et les personnes. Il aide à lisibilité, l’identification et l’interprétation des thématiques d’un évènement.
Pour accentuer cette singularité, le designer peut volontairement affirmer des approches éloignées classiques du design graphique en concevant des objets de communication en dehors de la norme et en accord avec le propos de l’évènement. Les techniques d’impression choisies, comme la risographie, ne sont pas neutres : elles portent une connotation particulière et un engagement esthétique et éthique spécifique. Les objets créés par le designer se doivent d’être ancrés dans le réel en tenant compte des contraintes économiques et sémantiques.
Dans une société de plus en plus marquée par l’individualisme et la consommation passive de contenus visuels, les structures alternatives, comme les associations, jouent un rôle crucial. En s’affranchissant du modèle dominant imposé par les institutions et les industries du cinéma, ces initiatives permettent aux spectateurs de retrouver une autonomie, un esprit critique, et une relation renouvelée avec les œuvres qu’ils découvrent. Le cinéma, conçu à l’origine comme un art populaire et un lieu de rassemblement, a vu ses modes de consommation évoluer au fil du temps. L’émergence massive du streaming, couplée aux bouleversements causés par la pandémie de Covid-19, a souvent affaibli sa dimension sociale. En tant qu’être social, l’humain tire un bénéfice considérable de ses interactions avec autrui, ce sont des expériences qui l’enrichissent et l’ouvrent à de nouvelles perspectives. Malheureusement, tout le monde n’est pas disposé à sortir de sa zone de confort, à se sentir légitime de participer ou n’a simplement pas accès à des lieux culturels, ce qui prive les individus de nombreuses formes d’art et espaces de rencontre.
Du point de vue de l’histoire du cinéma, des projets innovants comme les cinémas itinérants, les projections en plein air, les ciné-clubs ou les événements associatifs ont prouvé que le cinéma pouvait s’adapter, muter mêmes lorsque les conditions étaient loin d’être favorables. Le cinéma, par sa nature populaire et sa capacité à susciter des discussions spontanées, constitue un terrain d’échange particulièrement fertile. En outre, des formes comme le cinéma bis, riches de leur caractère expérimental, illustrent cette aptitude à repousser les limites, comme en témoigne son histoire. Aujourd’hui des initiatives telles que l’association À Bientôt J’espère montrent que cet art est toujours un catalyseur de rencontres et d’échanges, il est un moyen réel de créer des interactions, de fédérer et de discuter. Néanmoins, ces structures associatives, souvent fragiles, peinent parfois à communiquer efficacement sur leurs initiatives et doivent se démarquer dans un paysage saturé d’événements, souvent dominé par des acteurs mieux financés.
Face à ces enjeux, c’est ici que le designer peut agir comme un véritable soutien, un accompagnateur et un médiateur. Il a la capacité d’imaginer des dispositifs immersifs, pédagogiques et inclusifs qui facilitent les interactions et l’intégration de tous les participants. En travaillant main dans la main avec les associations, il peut trouver des solutions adaptées aux différents défis qu’elles rencontres, qu’ils soient économiques, terme de visibilité ou la difficulté à fédérer les individus. Il contribue à réaffirmer le rôle du cinéma en tant qu’outil de réflexion, en tant qu’art vivant et fédérateur. Dans ce cadre, il ne s’agit plus simplement de regarder un film passivement, mais de vivre une expérience augmentée, partagée, collaborative, où chacun peut trouver sa place et renforcer ses liens avec les autres.
Dans une démarche de designer médiateur et militant, je souhaiterais pour mon projet de diplôme me pencher sur les outils que le graphiste pourrait créer, afin de réunir les gens autour de la pratique du cinéma, et ce dans des contextes locaux et associatifs.
Aknin, Laurent. Cinéma Bis – 50 ans de cinéma de quartier, Nouveau Monde, 2007, 3.
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Où trouver les salles de cinéma les plus confortables de Paris ?, Paris.fr, 24 septembre 2024. https://www.paris.fr/pages/ou-trouver-les-salles-de-cinema-les-plus-confortables-de-paris-25714
Je remercie l’ensemble des personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de cette note de synthèse. Je remercie plus spécifiquement le lycée Argouges pour le prêt de son matériel qui a permis de mener à bien ce travail. Je souhaite également remercier l’équipe pédagogique du DN-MADe, en particulier Audrey Balland, Jérôme Bedelet, Noémie Kukielczynski, Julia Gonnet, et Silvère Collet pour leur disponibilité et leurs conseils avisés. Bien sûr, je remercie également mes camarades de classe pour leur écoute, leur abnégation et leur bonne humeur à toute épreuve. Enfin, je tiens à remercier ma famille pour leur soutien durant ces dernières semaines d’écriture.
1 Astor, Émilien. « Cinéma d’exploitation et culture populaire du mauvais goût ». Université de Lyon, Institut d’Études Politique de Lyon, 2021, 106.
2 Lefcourt, Jenny. « Aller au cinéma, aller au peuple ». Revue d’histoire moderne & contemporaine 514, n°4 (2004) : 98-114. https://doi.org/10.3917/rhmc.514.0098.
3 Bernard, Armand, René Creté, et Flora Le Breton. « Mon ciné N°48 », 18 janvier 1923.
4 Lefcourt, Jenny. « Aller au cinéma, aller au peuple ». Revue d’histoire moderne & contemporaine 514, n°4 (2004) : 98-114. https://doi.org/10.3917/rhmc.514.0098.
5 Écran Total. « Quand les cinémas ont-ils été fermés en 2020 et 2021 ? », 2 août 2021. https://ecran-total.fr/2021/08/02/quand-les-cinems-ont-ils-ete-fermes-en-2020-et-2021/.
6 CNC. « Le public du cinéma en 2023 », 2 juillet 2024. https://www.cnc.fr/professionnels/etudes-et-rapports/etudes-prospectives/le-public-du-cinema-en-2023_2218927.
7 CNC, « Géographie du cinéma en 2023 ». Étude prospective, 24 septembre 2024. https://www.cnc.fr/professionnels/etudes-et-rapports/etudes-prospectives/geographie-du-cinema-en-2023_2263498.
8 Ifop, « Les films et les séries sur les plateformes de streaming », 17 mai 2022. https://www.art-et-essai.org/sites/default/files/etude_ifop_afcae_cannes_mai2022.pdf
9 Xerfi, « Les salles de cinéma », janvier 2023, p33. https://www.xerfi.com/STAMP/PdfEcole/3574261-23SME54-XuwaqUXi.pdf
10 Colon, Tanguy. « Bilan mi-2023 : la fréquentation des cinémas se redresse mais reste polarisée », 13 juillet 2023. https://www.boxofficepro.fr/bilan-mi-2023-frequentation-cinemas-redresse-polarisee/.
11 Ghedaifi, Leila. « Netflix ne tue pas le cinéma, il le sauve ». Views, 18 mars 2021. https://views.fr/2021/03/18/plateforme-streaming-video-industrie-cinema/.
12 « Un habitus désigne l’ensemble des dispositions individuelles ou collectives acquises, durables et transposables, qui fonctionne à la fois comme système d’incorporation des structures sociales et matrice structurant les pratiques, leur permettant de s’exercer dans des situations nouvelles. » Ruby, Christian, « Abécédaire des arts et de la culture », 2015.
13 Astor, Émilien. « Cinéma d’exploitation et culture populaire du mauvais goût ». Université de Lyon, Institut d’Études Politique de Lyon, 2021, 106.
14 Dupont, Nathalie. « Le cinéma américain : un impérialisme culturel ? », Perspectives transatlantiques sur les empires, Vol. 5, Presses Universitaires de Rennes, 2007, 111-32. https://doi.org/10.4000/lisa.1626.
15 CNC, « Géographie du cinéma en 2023 ». Étude prospective, 24 septembre 2024. https://www.cnc.fr/professionnels/etudes-et-rapports/etudes-prospectives/geographie-du-cinema-en-2023_2263498.
16 Le Cadre, Emmanuelle, « Un élargissement du cinéma traditionnel : L’ EXPANDED CINEMA », Anthélie, 3 juillet 2015. https://antheliedotorg.wordpress.com/wp-content/uploads/2015/03/expcinemalecadre.pdf
17 O’Connor, Paul, « World’s smallest movie theatre », undercurrentsmedia, 8 septembre 2015. https://www.youtube.com/watch?v=KhC0dZKVi2E
18 Cloez , Loïc, « À la rencontre du réseau LCDD #15 », La Cinémathèque du Documentaire, 5 novembre 2024. https://cinematheque-documentaire.org/actus/la-rencontre-du-reseau-lcdd-15-loic-cloez-de-lassociation-bientot-jespere-grenoble
19 Hoare, Michael « Éléments sur l’histoire des ciné-clubs en France - Les projections non commerciales : passé, présent, avenir », Cinéma et Société, mai 2009, 9. https://www.autourdu1ermai.fr/IMG/pdf/revue_1pdf-bb3ba.pdf
20 Hoare, Michael « Éléments sur l’histoire des ciné-clubs en France - Les projections non commerciales : passé, présent, avenir », Cinéma et Société, mai 2009, 14. https://www.autourdu1ermai.fr/IMG/pdf/revue_1pdf-bb3ba.pdf
21 Aknin, Laurent, « Cinéma Bis – 50 ans de cinéma de quartier », Nouveau Monde, 2007, 3.
22 Astor, Émilien. « Cinéma d’exploitation et culture populaire du mauvais goût ». Université de Lyon, Institut d’Études Politique de Lyon, 2021, 106.
23 « Sous-genre du film de kung-fu, il se caractérise par la reprise systématique, voire le pillage d’idées, scénarii ou mimiques du « Petit Dragon » Bruce Lee. On y trouve donc des acteurs ayant une vague ressemblance avec Bruce Lee, ou portant le même costume (plus exactement son fameux survêtement jaune) et poussant les mêmes cris », Nanarland.com.
24 « particularité d’être intégralement basés sur l’exhibition des tares des nazis, notamment sous leur jour sexuel. Le genre se caractérise par une propension à vouloir choquer le public par tous les moyens, par la description de sévices grand-guignolesques, scènes sado-masochistes et tortures de femmes à poil. », Nanarland.com.
25 Définition du terme « nanar » dans le glossaire du site Nanarland.com.
26 Genre cinématographique italien mêlant thriller et horreur, marqué par des meurtres violents, un tueur mystérieux, et des twists audacieux.
27 Films d’aventures italiens qui imitent le western américain en reprenant certains archétypes du genre. Exemple : « Pour une poignée de dollars » de Sergio Leone.
28 Aknin, Laurent, « Cinéma Bis – 50 ans de cinéma de quartier », Nouveau Monde, 2007, 3.
29 Godin, Hélène, RCF Isère, 10 Janvier 2020. https://www.youtube.com/watch?v=77kaxZIihZc&t=125s&ab_channel=LeMauditFestival
30 Astor, Émilien. « Cinéma d’exploitation et culture populaire du mauvais goût ». Université de Lyon, Institut d’Études Politique de Lyon, 2021, 106.
31 Malécot, Maxime, « Un art graphique populaire pour un cinéma marginal », Medium, 11 décembre 2018. https://medium.com/@MMalecot/un-art-graphique-populaire-pour-un-cin%C3%A9ma-marginal-83e957a86c67
32 Malécot, Maxime, « Un art graphique populaire pour un cinéma marginal », Medium, 11 décembre 2018. https://medium.com/@MMalecot/un-art-graphique-populaire-pour-un-cin%C3%A9ma-marginal-83e957a86c67